Présentation des articles 1343 à 1343-5 de la nouvelle sous-section 2 « Dispositions particulières aux obligations de sommes d’argent »

Publié par Clément François

ATER à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
IEJ Jean Domat

Les dispositions de la présente sous-section sont propres au paiement d’obligations de sommes d’argent, elles dérogent donc aux dispositions générales contraires de la précédente sous-section. Les anciens articles du Code civil sont toilettés et complétés. Sur le fond, on ne note que quelques changements mineurs.

Articles en vigueur au 1er octobre 2016 Articles abrogés le 1er octobre 2016
Art. 1343.- Le débiteur d’une obligation de somme d’argent se libère par le versement de son montant nominal.

Le montant de la somme due peut varier par le jeu de l’indexation.

Le débiteur d’une dette de valeur se libère par le versement de la somme d’argent résultant de sa liquidation.

Art. 1343-1.- Lorsque l’obligation de somme d’argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. Le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts.

L’intérêt est accordé par la loi ou stipulé dans le contrat. Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit. Il est réputé annuel par défaut.

Art. 1254.- Le débiteur d’une dette qui porte intérêt ou produit des arrérages ne peut point, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu’il fait sur le capital par préférence aux arrérages ou intérêts : le paiement fait sur le capital et intérêts, mais qui n’est point intégral, s’impute d’abord sur les intérêts.
Art. 1343-2.- Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. Art. 1154.- Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.
Art. 1343-3.- Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre devise si l’obligation ainsi libellée procède d’un contrat international ou d’un jugement étranger.
Art. 1343-4.- A défaut d’une autre désignation par la loi, le contrat ou le juge, le lieu du paiement de l’obligation de somme d’argent est le domicile du créancier. Art. 1247.- Le paiement doit être exécuté dans le lieu désigné par la convention. Si le lieu n’y est pas désigné, le paiement, lorsqu’il s’agit d’un corps certain et déterminé, doit être fait dans le lieu où était, au temps de l’obligation, la chose qui en fait l’objet.

Les aliments alloués en justice doivent être versés, sauf décision contraire du juge, au domicile ou à la résidence de celui qui doit les recevoir.

Hors ces cas, le paiement doit être fait au domicile du débiteur.

Art. 1343-5.- Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.

Art. 1244-1.- Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

En outre, il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement, par le débiteur, d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

Art. 1244-2.- Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux dettes d’aliments.

La décision du juge, prise en application de l’article 1244-1, suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant le délai fixé par le juge.

Art. 1244-3.- Toute stipulation contraire aux dispositions des articles 1244-1 et 1244-2 est réputée non écrite.

Le principe du nominalisme monétaire est consacré (art. 1343, al. 1er). Selon ce principe, « le débiteur doit verser la somme correspondant au montant nominal de sa dette, même si la valeur de la monnaie a varié »[1]. Ainsi, celui qui a contracté une obligation de somme d’argent d’un montant de 1 000 euros en 2005 devra verser 1 000 euros, même si la dette n’est exigible qu’en 2016 et que la valeur de la monnaie a baissé ou augmenté entre temps.

Cette règle est énoncée pour le prêt d’argent à l’article 1895, alinéa 1er, du Code civil[2] et la jurisprudence l’a généralisée. L’ordonnance consacre cette généralisation.

L’indexation permet de contourner les effets néfastes du nominalisme monétaire (art. 1343, al. 2, et art. 1167). L’indexation fait évoluer automatiquement le montant de l’obligation de somme d’argent en fonction d’un indice. Il était par exemple fréquent d’indexer le loyer des contrats de bail sur l’indice du coût de la construction publié chaque trimestre par l’Insee, indice qui a depuis été remplacé par d’autres[3]. L’indexation permet au créancier de se prémunir de la perte de valeur de la monnaie et au débiteur de se prémunir d’une augmentation de sa valeur.

L’indexation est traditionnellement un mécanisme d’origine contractuelle, c’est pourquoi l’on parle de « clauses d’indexation ». L’ordonnance traite de l’indexation en général, sans référence à la notion de clause, ce qui pourrait suggérer que le juge ait la possibilité d’indexer les obligations créées par ses jugements.

Les clauses d’indexation étaient initialement déclarées nulles par la jurisprudence, jusqu’à ce que la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence dans les années 1950, suivi d’une intervention du législateur. La possibilité d’indexer le montant d’une obligation de somme d’argent a tout de suite été fermement encadrée, car le risque est grand. Certains indices sont en effet particulièrement volatiles, comme le cours de l’or. Le risque d’inflation généralisée est donc réel si les contractants recourent massivement à certains indices. Le principe est donc aujourd’hui celui de la prohibition des clauses d’indexation (art. L. 112-1 du Code monétaire et financier), mais sous une réserve très importante en pratique : l’indexation est possible sur un indice en « relation directe avec l’objet […] de la convention ou avec l’activité de l’une des parties » (art. L. 112-2 du Code monétaire et financier). Il y a en réalité d’autres limitations qui s’appliquent et des exceptions, mais on n’en traitera pas ici et l’on renverra donc vers les articles L. 112-1 et suivants du Code monétaire et financier.

Enfin, l’article 1167 du Code civil dispose que « lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n’existe pas ou a cessé d’exister ou d’être accessible, celui-ci est remplacé par l’indice qui s’en rapproche le plus ». L’ordonnance ne fait ici que consacrer la jurisprudence qui laissait une large marge de manœuvre aux juges du fond pour déterminer l’indice de référence lorsque la clause d’indexation ne fait pas référence à un indice précis, ou pour substituer un nouvel indice à celui prévu par la clause lorsqu’il a disparu[4]. Les juges du fond devaient alors rechercher la commune intention des parties pour déterminer l’indice de référence ou pour lui en substituer un nouveau. Le nouvel article 1167, en prévoyant que le juge doit déterminer l’indice qui se « rapproche le plus » de celui prévu par les parties, conserve cette exigence.

Autre moyen d’éviter les effets néfastes du nominalisme monétaire : la dette de valeur (art. 1343, al. 3). La dette de valeur est une notion doctrinale fortement inspirée du droit allemand. Ses contours ne sont pas très nets, car sa définition peut varier d’un auteur à l’autre. En substance, la dette de valeur emprunte à la fois à la dette en nature et à la dette de somme d’argent[5]. Comme son nom l’indique, la dette de somme d’argent, ou dette pécuniaire, oblige le débiteur à remettre une somme d’argent au créancier. La dette en nature peut avoir n’importe quel objet autre que la remise d’une somme d’argent : peindre un tableau, livrer un corps certain, livrer une chose fongible autre que l’argent, etc. La dette en nature n’est pas soumise à la dépréciation monétaire, mais son exécution forcée en nature peut s’avérer compliquée, elle est même parfois purement et simplement impossible et se résout alors en dommages-intérêts, ce qui ne permet au créancier que d’obtenir une satisfaction par équivalent. A contrario, le créancier peut plus facilement obtenir satisfaction en nature lorsque la dette est pécuniaire, le seul obstacle étant l’insolvabilité du débiteur. L’inconvénient de l’obligation pécuniaire, pour le créancier, est que le principe du nominalisme monétaire le soumet au risque d’une dépréciation de la monnaie. La dette de valeur permet de cumuler les avantages des deux types d’obligation : l’obligation s’exécute par le versement d’une somme d’argent, ce qui rend son exécution forcée en nature plus aisée, mais son montant est déterminé au jour de sa liquidation (qui peut, par exemple, être le jour du paiement) par référence à une « valeur », aux besoins d’une personne ou aux soins d’une chose, ce qui soustrait le créancier au risque de la dépréciation monétaire. Par exemple, la récompense due par un époux à la communauté lorsqu’il a construit, avec des deniers communs, une maison sur un terrain propre, est une dette de valeur : le montant de la récompense est calculé au jour de la liquidation de la communauté par référence à la plus-value que la maison a apporté au terrain (la récompense étant égale au « profit subsistant », art. 1469 du Code civil)[6]. L’obligation alimentaire est également une dette de valeur : le montant que doit verser son débiteur dépend des besoins du créancier. Dernier exemple : la dette de réparation du responsable à l’égard de la victime est une dette de valeur dès lors que le préjudice est évalué au jour du jugement.

L’ordonnance consacre globalement cette vision de la dette de valeur en la classant parmi les obligations de sommes d’argent et en en donnant une définition restrictive : le débiteur « se libère par le versement d’une somme d’argent ». Ce faisant, elle s’éloigne de la solution préconisée par l’avant-projet Catala qui distinguait deux types de dettes de valeur : « L’obligation de valeur est monétaire quand son objet est de fournir une somme d’argent déterminable à la date de l’exigibilité ; elle est en nature quand son objet est de pourvoir aux besoins d’une personne ou aux soins d’une chose, sauf, dans ces deux cas, à être convertie, par convention ou décision judiciaire, en une obligation monétaire révisable. » (art. 1148, al. 2, de l’avant-projet Catala). L’obligation de valeur monétaire est celle consacrée par l’ordonnance (art. 1343, al. 3), l’obligation de valeur en nature semble en revanche exclue par l’ordonnance. L’enjeu n’est en réalité que terminologique dès lors que l’ordonnance n’assortit la dette de valeur d’aucun régime particulier.

Lorsque l’obligation de somme d’argent porte intérêt, le débiteur ne peut pas choisir librement l’imputation de son paiement partiel : celui-ci s’impute prioritairement sur les intérêts (art. 1343-1, al. 1er). Il s’agit d’une dérogation à l’article 1342-10 du Code civil favorable au créancier. L’ordonnance n’innove pas sur ce point puisque cette solution était déjà prévue par l’article 1254 ancien. Le nouveau texte ne prévoit plus la possibilité d’une dérogation conventionnelle à ce principe, mais les dispositions de l’ordonnance étant supplétives sauf indication contraire[7] on doit considérer qu’une dérogation à cette règle est toujours possible avec l’accord du créancier.

L’intérêt peut être légal ou conventionnel, il doit être fixé par écrit s’il est conventionnel (formalisme ad validitatem) et il est réputé annuel par défaut (art. 1343-1, al. 2). L’ordonnance ne fait ici que généraliser l’article 1907 spécifique au contrat de prêt à intérêt, en ajoutant une précision : l’intérêt est réputé annuel à défaut d’indication contraire.

L’anatocisme est possible, mais demeure encadré (art. 1343-2). L’anatocisme est la capitalisation des intérêts : les intérêts s’ajoutent au capital pour produire à leur tour, tant qu’ils n’ont pas été payés, des intérêts. Le risque pour le débiteur de voir sa dette augmenter de façon exponentielle étant important, l’anatocisme ne se produit pas de plein droit : il doit avoir été prévu par une convention spéciale ou doit être demandé en justice. Il est par ailleurs encadré : seuls les intérêts dus au moins pour une année entière peuvent être capitalisés (il n’est donc pas possible de capitaliser les intérêts, par exemple, tous les mois, il faut attendre au moins une année).

Ex. (V. tableau ci-dessous, s’il ne s’affiche pas correctement c’est que votre écran est trop petit, essayez depuis un ordinateur) : une dette de 100 avec un taux d’intérêt mensuel de 10%. Si les intérêts ne sont pas capitalisés, la dette produit chaque année 120 d’intérêts (10% par mois, soit 10 par mois). Si les intérêts sont capitalisés chaque année, ce que la loi permet, la dette produit 120 d’intérêts la première année et ces 120 sont ajoutés au capital à la fin de la première année. Le capital passe donc, au bout d’un an, de 100 à 220, si bien que la dette produira la deuxième année 264 d’intérêts (10% de 220 par mois, soit 22 par mois). Au bout de la deuxième année, les 264 s’ajoutent au capital qui passe ainsi de 220 à 484 et ainsi de suite. Les intérêts seraient encore plus lourds pour le débiteur si les intérêts étaient capitalisés tous les mois, ce que la loi interdit. Ainsi au bout du premier mois la dette produirait 10 d’intérêts qui s’ajouteraient au capital, ce dernier passerait ainsi, dès la fin du premier mois, de 100 à 110. Dès le deuxième mois, la dette produirait alors 11 d’intérêts au lieu de 10 (10% de 110), venant de nouveau s’ajouter au capital à la fin du deuxième mois passant de 110 à 121. La dette produirait alors 12,1 d’intérêts au cours du troisième mois et ainsi de suite. Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, la même dette de 100 avec un taux d’intérêt mensuel de 10% aboutit à une dette totale (capital et intérêts confondus) de 340 au bout de deux ans si les intérêts ne sont pas capitalisés. Si les intérêts sont capitalisés tous les ans, ce que la loi permet, la dette s’élève au bout de deux ans à 484. Si les intérêts étaient capitalisés tous les mois, ce que la loi interdit, la dette s’élèverait au bout de deux ans à 984,5 !

Pour une dette de 100 avec un taux d’intérêt mensuel de 10%.
Sans anatocisme Avec capitalisation des intérêts tous les ans (légal) Avec capitalisation des intérêts tous les mois (illégal)
Capital Intérêts Capital Intérêts Capital Intérêts
Mois 1 100 10 100 10 100 10
Mois 2 100 10 100 10 110 11
Mois 3 100 10 100 10 121 12,1
Mois 4 100 10 100 10 133,1 13,3
Mois 5 100 10 100 10 146,4 14,6
Mois 6 100 10 100 10 161 16,1
Mois 7 100 10 100 10 177,1 17,7
Mois 8 100 10 100 10 194,8 19,4
Mois 9 100 10 100 10 214,2 21,4
Mois 10 100 10 100 10 235,6 23,6
Mois 11 100 10 100 10 259,2 25,9
Mois 12 100 10 100 10 285,1 28,5
Mois 13 100 10 220 22 313,6 31,4
Mois 14 100 10 220 22 345 34,5
Mois 15 100 10 220 22 379,5 38
Mois 16 100 10 220 22 417,5 41,8
Mois 17 100 10 220 22 459,3 45,9
Mois 18 100 10 220 22 505,2 50,5
Mois 19 100 10 220 22 555,7 55,6
Mois 20 100 10 220 22 611,3 61,1
Mois 21 100 10 220 22 672,4 67,2
Mois 22 100 10 220 22 739,6 74
Mois 23 100 10 220 22 813,6 81,4
Mois 24 100 10 220 22 895 89,5
Total 100 240 484 984,5

La Cour de cassation interprétait de façon très libérale l’ancien article 1154 : la capitalisation des intérêts devait être accordée automatiquement par les juges du fond dès lors que la demande en avait été faite judiciairement et que les intérêts étaient dus pour au moins une année entière[8]. La capitalisation des intérêts contractuels était donc accordée judiciairement de façon automatique, alors même que le contrat ne prévoyait pas la capitalisation de ces intérêts[9]. La solution était sévère pour le débiteur qui devait penser, au jour de la conclusion du contrat, à prévoir une clause excluant expressément l’anatocisme pour faire échec au jeu de l’ancien article 1154. La rédaction du nouvel article 1343-2 semble plus restrictive : les intérêts échus peuvent produire intérêt si le contrat l’a prévu « ou si une décision de justice le précise ». L’emploi du verbe « préciser » semble indiquer que le juge ne peut décider que de la capitalisation des intérêts des obligations qu’il crée dans son jugement. Ainsi, en l’absence de convention prévoyant l’anatocisme, le juge ne pourrait plus prononcer la capitalisation des intérêts d’une dette contractuelle.

Les paiements internes s’effectuent toujours en euros (art. 1343-3). Les clauses contraires sont considérées par la jurisprudence, de longue date, comme nulles[10], l’ordonnance ne fait donc que consacrer cette jurisprudence. S’il est interdit d’utiliser une monnaie étrangère comme unité de paiement, il est en revanche possible, sous certaines conditions, de l’utiliser comme unité de compte[11]. Il est par exemple possible de stipuler une obligation de somme d’argent ayant un montant de 100 dollars, simplement l’obligation devra être payée en euros et son montant devra donc être converti. Les conditions des articles L. 112-1 et suivants du Code monétaire et financier doivent toutefois être respectées, la jurisprudence analysant ces clauses monnaies en des clauses d’indexation (le montant de l’obligation est considéré comme indexé sur le taux de change entre l’euro et la devise étrangère choisie). Cela signifie qu’il devra y avoir un lien entre la monnaie choisie et l’objet de l’obligation ou l’activité de l’une des parties (V. supra les développements consacrés à l’art. 1343, al. 2).

Par exception, le paiement peut avoir lieu en une devise étrangère si elle est stipulée dans cette monnaie et qu’elle procède d’un contrat international ou d’un jugement étranger (art. 1343-3). La jurisprudence antérieure admettait les paiements effectués en devise étrangère lorsque le paiement était « international »[12]. L’ordonnance substitue au critère du « paiement international » celui du « contrat international » ou du jugement étranger.

Par dérogation au principe de l’article 1342-6, le paiement d’une obligation de somme d’argent a lieu au domicile du créancier, il est donc portable et non quérable (art. 1343-4). Il s’agit d’une nouveauté, car il découlait de l’ancien article 1247 que les obligations de sommes d’argent devaient être payées au domicile du débiteur, à l’exception des créances alimentaires prononcées par le juge. Cette nouveauté est justifiée « par des raisons techniques, liées à la généralisation de la monnaie scripturale (chèque, virement, paiement par carte bancaire) »[13]. La loi, le juge ou le contrat peuvent toutefois déroger à cette nouvelle règle.

Délais de grâce et autres mesures permettant au débiteur de surmonter ses difficultés financières (art. 1343-5). L’ordonnance fusionne en une seule disposition les anciens articles 1244-1 à 1244-3. Le contenu de ces articles est intégralement repris, sous réserve de quelques retouches mineures purement formelles. On rappellera seulement que ces dispositions permettent au juge d’accorder un délai de grâce au débiteur (report ou échelonnement du paiement des sommes dues) dans la limite de deux ans. Le juge doit prendre en considération la situation du débiteur, mais aussi les besoins du créancier, et peut notamment conditionner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. Au-delà des délais de grâce, le juge peut aussi réduire le taux d’intérêt contractuel des échéances reportées (jusqu’au taux légal) et peut prévoir que les paiements s’imputeront en priorité sur le capital et non sur les intérêts, par dérogation à l’article 1343-1, al. 1er.

Pour aller plus loin

(Bibliographie non exhaustive)

  • B. Fages, « Le paiement extinctif : légèrement rénové, classiquement défini », Dr. et patr. n° 249, juillet-août 2015, p. 51.

Notes de bas de page

[1] Rapport remis au Président de la République.

[2] « L’obligation qui résulte d’un prêt en argent, n’est toujours que de la somme énoncée au contrat. »

[3] Indice de référence des loyers pour les baux à usage d’habitation, indice des loyers commerciaux pour les baux commerciaux et indice des loyers des activités tertiaires pour les baux professionnels autres que commerciaux.

[4] V. par exemple Cass. civ. 3e, 12 janv. 2005, 03-17.260.

[5] V. J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Droit civil, Les obligations, t. 1, L’acte juridique, Sirey, 16e éd., 2014, n° 48, qui parlent de « catégorie intermédiaire », « hybride ».

[6] On suppose dans cet exemple que l’immeuble se trouve toujours dans le patrimoine de l’époux au jour de la liquidation de la communauté.

[7] V. Rapport remis au Président de la République.

[8] Cass. civ. 1re, 6 oct. 2011, n° 10-23.742.

[9] Cass. civ. 1re, 21 mai 1997, n° 95-13.175.

[10] Cass. req., 17 févr. 1937, DH 1937, p. 234 : « il est de principe, en effet, que tout payement fait en France, quelle qu’en soit la cause, doit être effectué en monnaie française et que le solde d’un marché fixé en dollars doit être évalué selon le cours du dollar au jour où le débiteur devait payer ».

[11] V. arrêt de 1937 précité.

[12] Rép. civ. Dalloz, v° « Paiement » par M.-L. Mathieu-Izorche et S. Benilsi, mai 2009.

[13] Rapport remis au Président de la République.

Comment citer cet article ?

C. François, « Présentation des articles 1343 à 1343-5 de la nouvelle sous-section 2 “Dispositions particulières aux obligations de sommes d’argent” », La réforme du droit des contrats présentée par l'IEJ de Paris 1, https:/​/​iej.univ-paris1.fr/​openaccess/​reforme-contrats/​titre4/​chap4/​sect1/​ssect2-obligations-argent/​ [consulté le 28/03/2019].

Article publié le 18/07/2016.
Dernière mise à jour le 18/07/2016.