Présentation des articles 1350 à 1350-2 de la nouvelle section 4 « La remise de dette »

Publié par Clément François

ATER à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
IEJ Jean Domat

La remise de dette est un mode d’extinction de l’obligation sans satisfaction du créancier. Les anciens articles 1282 à 1288 formaient une section intitulée « De la remise de dette ». Trois de ces articles (1282 à 1284) présumaient la libération du débiteur lorsque le créancier lui remettait volontairement le titre original constatant la créance ou une copie exécutoire du titre. Cette libération pouvait en réalité aussi bien être le fait d’une remise de dette présumée (la remise du titre prouve la remise de dette) que d’un paiement présumé (la remise du titre prouve le paiement). Le Gouvernement a pris le parti d’extraire les dispositions relatives à ces présomptions légales de la section relative à la remise de dette pour les déplacer dans la section relative au paiement (V. notre commentaire de l’art. 1342-9). La présente sous-section ne traite donc que de la remise de dette stricto sensu, les présomptions légales de libération ayant été déplacées dans une autre section.

Articles en vigueur au 1er octobre 2016 Articles abrogés le 1er octobre 2016
Art. 1350.- La remise de dette est le contrat par lequel le créancier libère le débiteur de son obligation.
Art. 1350-1.- La remise de dette consentie à l’un des codébiteurs solidaires libère les autres à concurrence de sa part.

La remise de dette faite par l’un seulement des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier.

Art. 1285.- La remise ou décharge conventionnelle au profit de l’un des codébiteurs solidaires, libère tous les autres, à moins que le créancier n’ait expressément réservé ses droits contre ces derniers.

Dans ce dernier cas, il ne peut plus répéter la dette que déduction faite de la part de celui auquel il a fait la remise.

Art. 1198, al. 2.- Néanmoins, la remise qui n’est faite que par l’un des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier.

Art. 1350-2.- La remise de dette accordée au débiteur principal libère les cautions, même solidaires.

La remise consentie à l’une des cautions solidaires ne libère pas le débiteur principal, mais libère les autres à concurrence de sa part.

Ce que le créancier a reçu d’une caution pour la décharge de son cautionnement doit être imputé sur la dette et décharger le débiteur principal à proportion. Les autres cautions ne restent tenues que déduction faite de la part de la caution libérée ou de la valeur fournie si elle excède cette part.

Art. 1287.- La remise ou décharge conventionnelle accordée au débiteur principal libère les cautions ;

Celle accordée à la caution ne libère pas le débiteur principal ;

Celle accordée à l’une des cautions ne libère pas les autres.

Art. 1288.- Ce que le créancier a reçu d’une caution pour la décharge de son cautionnement doit être imputé sur la dette, et tourner à la décharge du débiteur principal et des autres cautions.

 Définition de la remise de dette (art. 1350). L’ordonnance retient une définition très classique de la remise de dette : « La remise de dette est le contrat par lequel le créancier libère le débiteur de son obligation. » La remise de dette est un contrat et nécessite donc le consentement du créancier, mais aussi du débiteur. Même si la remise de dette est par nature bénéfique pour le débiteur, l’obligation est un lien de droit et ce lien ne peut être rompu sans la volonté de ses deux parties. Cela est très classique, cette qualification figurait déjà expressément à l’ancien article 1285 où l’expression « décharge conventionnelle» était utilisée. L’effet de la remise de dette est également très classique : elle libère le débiteur par extinction de l’obligation[1]. L’ordonnance, en restant très générale, évite de se prononcer sur la nature débattue du contrat de remise de dette : est-il nécessairement à titre gratuit, ce qui impliquerait que le créancier soit animé d’une intention libérale, ou peut-il être à titre onéreux sans que cela ne disqualifie le contrat, par exemple s’il s’inscrit dans une opération plus large comme une transaction ?

Effets de la remise de dette lorsque l’obligation est solidaire (art. 1350-1). La remise de dette consentie par le créancier à l’un des codébiteurs solidaires libère intégralement ce dernier et ne libère les autres codébiteurs qu’à concurrence de la part de ce dernier dans la charge finale de la dette (al. 1er). La réforme abandonne donc la solution de l’ancien article 1285 qui prévoyait qu’une telle remise de dette libérait tous les codébiteurs solidaires. En matière de solidarité active, la règle de l’ancien article 1998, alinéa 2, est en revanche conservée : la remise de dette consentie par l’un des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier (art. 1350-1, al. 2).

Effets de la remise de dette en présence d’une ou plusieurs cautions (art. 1350‑2). Les solutions sont identiques, mutatis mutandis, à celles prévues en cas de novation (art. 1335, al. 2) et de confusion (art. 1349-1, al. 2). La remise de dette consentie au débiteur principal libère logiquement les cautions, même solidaires, puisque l’accessoire suit le principal (art. 1350-2, al. 1er). En revanche, la remise de dette consentie à l’une des cautions solidaires ne libère pas le débiteur principal, puisque le principal ne suit pas l’accessoire (art. 1350-2, al. 2). Étrangement, le texte ne traite que des cautions solidaires, mais il n’y a aucune raison que la règle soit différente lorsque les cautionnements ne sont pas solidaires. Le texte apporte ensuite une précision novatrice : la remise de dette consentie à une caution libère les autres à concurrence de sa part (l’ancien art. 1287, al. 3, prévoyait que la remise de dette consentie à l’une des cautions ne libérait pas les autres).

Enfin, l’article 1350-2, alinéa 2, traite de l’hypothèse dans laquelle le créancier reçoit un paiement partiel d’une caution et la libère totalement de sa dette à cette occasion. Ex. : imaginons une obligation de 90, garantie intégralement par trois cautions A, B et C qui doivent supporter chacune 30 de la charge finale de la dette en cas d’insolvabilité du débiteur principal. A ne paie que 50 au créancier, mais ce dernier la libère totalement ; juridiquement, on a un paiement partiel de 50 et une remise de dette partielle de 40. Dans ce cas, le paiement partiel libère le débiteur principal vis-à-vis du créancier à hauteur du montant du paiement (dans notre exemple, le débiteur principal n’est plus tenu que de 40 vis-à-vis du créancier) et il libère les autres cautions à hauteur de la plus forte des deux sommes entre la part de la caution solvens dans la charge finale de la dette (en l’espèce 30) et le montant du paiement (en l’espèce 50). En l’espèce, les cautions B et C sont donc libérées à hauteur de 50 (montant du paiement) et ne sont plus tenues de garantir la dette principale qu’à hauteur de 40 (c’est logique : ils ne pourraient être tenus davantage puisque l’obligation principale a été éteinte à hauteur de 50 par le paiement partiel et l’obligation des cautions est accessoire à l’obligation garantie). Si le débiteur principal est libéré à hauteur de 50 vis-à-vis du créancier, il reste tenu vis-à-vis de la caution solvens A qui peut exercer un recours subrogatoire à son encontre (la rédaction de l’article est donc maladroite dans la mesure où le débiteur principal n’est « déchargé » que vis-à-vis du créancier). Pareillement, les autres cautions sont certes libérées à hauteur de 50 vis-à-vis du créancier, mais elles restent soumises à un recours en contribution de A qui a payé 50 alors que sa part n’était que de 30. Reprenons maintenant le même exemple, mais en considérant que A ait une part de 80 dans la charge finale de la dette. Dans ce cas, si A a payé 50 au créancier et que ce dernier l’a intégralement libérée, alors les autres cautions B et C sont libérées vis-à-vis du créancier à hauteur de 80 (part de A dans la charge finale de la dette). Si l’on analyse cette hypothèse, les cautions B et C sont libérées à hauteur de 50 du fait du paiement partiel réalisé par A et elles sont par ailleurs libérées à hauteur de 30 du fait d’une remise de dette accordée par le créancier à A. A n’a aucun recours en contribution contre B et C puisqu’il n’a payé que 50 alors que sa part dans la charge finale de la dette était de 80.

Pour aller plus loin

(Bibliographie non exhaustive)

  • N. Picod, « La remise de dette dans l’avant-projet de réforme (Rapport français) », La réforme du droit des obligations en France, 5e journées franco-allemandes, dir. R. Schulze et alii, Société de législation comparée, 2015, p. 235.

Note de bas de page

[1] Certains auteurs adoptent une conception plus subtile de l’effet extinctif de la remise de dette. MM. Zenati-Castaing et Revet y voient par exemple la transmission d’une obligation qui entraîne son extinction par confusion : le créancier « remet » la dette au débiteur au sens propre du terme, c’est-à-dire qu’il lui transfère l’obligation ; le débiteur devient alors créancier ce qui entraîne l’extinction de l’obligation par confusion (F. Zenati-Castaing et Th. Revet, Cours de droit civil, Obligations, Régime », PUF, 2013, p. 285, n° 163).

Comment citer cet article ?

C. François, « Présentation des articles 1350 à 1350-2 de la nouvelle section 4 “La remise de dette” », La réforme du droit des contrats présentée par l'IEJ de Paris 1, https:/​/​iej.univ-paris1.fr/​openaccess/​reforme-contrats/​titre4/​chap4/​sect4-remise-dette/​ [consulté le 28/03/2019].

Article publié le 19/07/2016.
Dernière mise à jour le 19/07/2016.