Présentation des articles 1186 à 1187 de la nouvelle sous-section 2 « La caducité »

Publié par Clément François

ATER à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
IEJ Jean Domat

La présence au sein du Code civil de dispositions relatives à la caducité est une nouveauté. La présente sous-section s’intéresse notamment à la délicate question de la caducité des contrats d’un ensemble contractuel indivisible en cas de disparition de l’un des contrats de cet ensemble.

Articles en vigueur au 1er octobre 2016 Articles abrogés le 1er octobre 2016
Art. 1186.- Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.

La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.

Art. 1131.- L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.
Art. 1187.- La caducité met fin au contrat.

Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Le mécanisme de la caducité est consacré (art. 1186, al. 1er et art. 1187, al. 1er). La fonction attribuée à la caducité par la doctrine et la jurisprudence est conservée : la caducité met fin au contrat (art. 1187, al. 1er) lorsque l’un de ses éléments essentiels disparaît après la conclusion du contrat (art. 1186, al. 1er). La caducité se distingue donc de la nullité qui sanctionne l’absence d’un élément essentiel à la validité du contrat au moment de sa formation.

Le rôle de la caducité dans les ensembles contractuels indivisibles survit à la disparition de la cause (art. 1186, al. 2 et 3). La caducité a connu un succès particulier dans la jurisprudence récente à propos de la disparition de la cause en cours d’exécution du contrat, notamment dans les ensembles contractuels indivisibles : la disparition de l’un des contrats pour une raison quelconque (nullité, résiliation, résolution, etc.) prive de cause les autres contrats de l’ensemble qui deviennent ainsi caducs[1]. La notion de cause ayant été supprimée du Code civil, un tel raisonnement n’est aujourd’hui plus possible. Certes, le Gouvernement a substitué à la nullité pour absence de cause la nullité de l’article 1169 : « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire. » Néanmoins, en cas de disparition d’un contrat dans un ensemble contractuel indivisible, on ne peut pas vraiment considérer que la contrepartie des autres contrats devienne « illusoire ou dérisoire ». De surcroît, le texte précise que le caractère illusoire ou dérisoire de la contrepartie s’apprécie « au moment de [la] formation » du contrat, ce qui semble exclure la possibilité d’une caducité.

C’est donc pour conserver le régime des ensembles contractuels indivisibles que le Gouvernement a édicté l’article 1186, alinéas 2 et 3, qui prévoit expressément que la disparition de l’un des contrats de l’ensemble entraîne la caducité des autres.

L’ordonnance retient un critère subjectif et un critère objectif, critères alternatifs, et un troisième critère subjectif, cumulatif, pour qualifier les ensembles contractuels indivisibles (art. 1186, al. 2 et 3). Deux conceptions de l’ensemble contractuel indivisible peuvent être défendues : une conception subjective et une conception objective. La conception subjective s’attache à rechercher si les parties ont eu la volonté de rendre leurs conventions indivisibles : dans cette hypothèse, il suffira à la partie dominante d’imposer à l’autre une clause stipulant expressément que les contrats sont divisibles pour écarter l’indivisibilité contractuelle. La conception objective fait abstraction de la volonté des parties pour rechercher si les contrats participent, par leurs objets, à la réalisation d’une même opération globale. La Cour de cassation semble tantôt retenir une conception objective, tantôt une conception subjective. La distinction n’est pas toujours nette. La chambre mixte a par exemple retenu une conception clairement objective de l’ensemble contractuel indivisible dans un arrêt de 2013, mais la portée du principe énoncé était limitée aux ensembles contractuels indivisibles incluant un contrat de location financière : « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; (…) sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance »[2].

Selon l’article 1186, alinéa 2, « Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition [critère objectif] et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie [critère subjectif]. » L’ensemble contractuel indivisible peut donc être caractérisé sur la base d’un critère objectif ou subjectif. L’alinéa 3 ajoute toutefois une condition supplémentaire, subjective, qui est, elle, cumulative : « La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement. » Cet élément permet de préserver la sécurité juridique du cocontractant. En résumé, pour caractériser un ensemble contractuel indivisible il faudra démontrer que l’une des deux conditions (objective ou subjective) de l’alinéa 2 est remplie, et que la condition (subjective) de l’alinéa 3 est également remplie.

Ces dispositions ne lèvent pas toutes les difficultés. Que l’on songe à l’arrêt de chambre mixte de 2013 : en substance une société exploitant un bar avait conclu un contrat de location d’une télévision pour un loyer de 1 000 euros et avait conclu avec un autre partenaire un contrat publicitaire par lequel elle obtenait une rémunération mensuelle de 900 euros en l’échange de la diffusion de clips publicitaires sur ladite télévision. Les deux contrats permettaient à l’exploitant d’installer une télévision dans son bar à moindre frais (100 euros par mois), mais en l’espèce le système n’avait jamais fonctionné. Le critère objectif de l’article 1186, alinéa 2, serait-il rempli dans cette affaire ? Il faudrait pour cela retenir une conception très souple du critère de l’impossibilité : la disparition du contrat publicitaire ne rendait pas impossible dans l’absolu l’exécution du contrat de location et inversement, l’inexécution du contrat de location ne rendait pas absolument impossible l’exécution du contrat publicitaire dans la mesure où l’exploitant du bar aurait pu se procurer une télévision auprès d’un tiers. Le critère subjectif de l’article 1186, alinéa 2, serait-il rempli dans cette affaire ? Il était expressément stipulé dans les contrats qu’ils étaient « indépendants » : faut-il dès lors s’arrêter aux termes clairs et précis de la convention et considérer que l’exécution d’un contrat n’était pas une condition déterminante du consentement à l’autre contrat, ou peut-on considérer qu’il s’agit en réalité d’une condition déterminante et que cette clause de style a été imposée par une partie à l’autre ? Une telle clause pourrait être considérée comme abusive, mais encore faudrait-il démontrer qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion, or on a vu que cette qualification était également délicate (V. le commentaire de l’art. 1110, al. 2).

La caducité peut être rétroactive (art. 1187, al. 2). On le déduit du texte qui prévoit la possibilité de restitutions consécutives à la caducité. L’ordonnance se contente ici d’entériner une solution jurisprudentielle dégagée par un arrêt de la chambre commerciale du 5 juin 2007[3]. En l’espèce une société avait vendu du matériel informatique à une autre, cette dernière l’ayant ensuite donné à bail à une troisième. Le preneur avait ensuite conclu un contrat de maintenance dudit matériel avec le vendeur. Le preneur n’étant pas satisfait des prestations de maintenance du vendeur, il résilia le contrat de maintenance, puis le contrat de bail. Un contentieux s’ensuivit sur le sort du contrat de vente et la cour d’appel, caractérisant un ensemble contractuel indivisible, en conclut à la résolution du contrat de vente. L’arrêt fut cassé au motif que « la résiliation des contrats de location et de maintenance n’entraîne pas, lorsque ces contrats constituent un ensemble contractuel complexe et indivisible, la résolution du contrat de vente mais seulement sa caducité, l’acquéreur devant restituer le bien vendu et le vendeur son prix ». Un effet rétroactif a donc été reconnu à la caducité dans cet arrêt puisque la caducité du contrat de vente, contrat à exécution instantanée, débouche en l’espèce sur une restitution de la chose vendue et une restitution du prix de vente.

Pour aller plus loin

(Bibliographie non exhaustive)

  • G. Wicker, « La suppression de la cause et les solutions alternatives (Rapport français) », La réforme du droit des obligations en France, 5e journées franco-allemandes, dir. R. Schulze et alii, Société de législation comparée, 2015, p. 107, spéc. p. 131-135.

Notes de bas de page

[1] V. par exemple Cass. civ. 1re, 4 avr. 2006, n° 02-18.277.

[2] Cass. ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.768.

[3] Cass. com., 5 juin 2007, n° 04-20.380.

Comment citer cet article ?

C. François, « Présentation des articles 1186 à 1187 de la nouvelle sous-section 2 “La caducité” », La réforme du droit des contrats présentée par l'IEJ de Paris 1, https:/​/​iej.univ-paris1.fr/​openaccess/​reforme-contrats/​titre3/​stitre1/​chap2/​sect4/​ssect2-caducite/​ [consulté le 28/03/2019].

Article publié le 28/06/2016.
Dernière mise à jour le 28/06/2016.