Présentation de l'article 1300 du nouveau sous-titre III « Autres sources d’obligations »

Publié par Clément François

ATER à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
IEJ Jean Domat

Après le contrat (sous-titre I) et la responsabilité extracontractuelle (sous-titre II), le titre consacré aux sources d’obligations se termine par un sous-titre III intitulé « autres sources d’obligations ». Le rapport remis au Président de la République précise que ce titre relatif aux sources d’obligations n’a pas vocation à être exhaustif. Le sous-titre III intitulé « autres sources d’obligations » ne traite ainsi que des quasi-contrats, alors qu’il aurait également pu traiter, par exemple, de l’engagement unilatéral de volonté.

Articles en vigueur au 1er octobre 2016 Articles abrogés le 1er octobre 2016
Art. 1300.- Les quasi-contrats sont des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui.

Les quasi-contrats régis par le présent sous-titre sont la gestion d’affaire, le paiement de l’indu et l’enrichissement injustifié.

Art. 1371.- Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties.

Définition du quasi-contrat (art. 1300, al. 1er). Les quasi-contrats sont « des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui ».

Il ressort tout d’abord de cette définition que le quasi-contrat n’est pas un contrat : l’obligation créée n’est pas issue d’un accord de volontés.

Le quasi-contrat n’est guère plus un engagement unilatéral de volonté, car s’il peut engager l’auteur du « fait purement volontaire », cet engagement n’a en général pas été recherché[1]. De surcroît, le quasi-contrat a pour effet essentiel d’obliger celui qui profite du « fait purement volontaire » alors que ce dernier n’y a pas consenti[2]. Si l’engagement unilatéral rend débiteur celui qui a manifesté la volonté d’être engagé, le quasi-contrat rend débitrice une personne qui n’a pas manifesté la volonté d’être engagée (ex. : le maître de l’affaire, dans la gestion d’affaires).

Le quasi-contrat est donc conçu comme une source autonome d’obligations, la pertinence de ce choix étant critiquée par certains auteurs[3]. La définition est volontairement large pour laisser la possibilité à la jurisprudence de consacrer de nouveaux quasi-contrats[4], on verra notamment que cela pourrait permettre à la Cour de cassation de maintenir sa jurisprudence relative aux loteries publicitaires.

L’ordonnance régit trois types de quasi-contrats (art. 1300, al. 2). Les dispositions relatives à la gestion d’affaires et au paiement de l’indu sont modernisées. L’enrichissement sans cause, invention de la jurisprudence, est désormais également régie par le Code civil. Le Gouvernement ayant souhaité éradiquer toute référence à l’idée de « cause », la notion est renommée « enrichissement injustifié », mais le mécanisme n’est pas affecté sur le fond. Un chapitre est consacré à chaque quasi-contrat.

L’article 1300, alinéa 2, commence par la formule « Les quasi-contrats régis par le présent sous-titre sont […] », ce qui confirme qu’il peut exister d’autres quasi-contrats, non régis par le sous‑titre III. Cela confère une marge de manœuvre à la Cour de cassation pour reconnaître de nouveaux quasi-contrats.

L’ordonnance permet à la Cour de cassation de maintenir sa jurisprudence sur les loteries publicitaires trompeuses. La jurisprudence sanctionne les organisateurs de loteries publicitaires qui annoncent un gain à des personnes dénommées sans mettre en évidence l’existence d’un aléa. Le fondement juridique retenu pour sanctionner ces sociétés a évolué au cours de ces vingt dernières années.

La loterie publicitaire trompeuse a d’abord pu être qualifiée d’engagement unilatéral de volonté[5], l’organisateur était alors obligé à la délivrance du lot par sa seule volonté. La pertinence de cette qualification était toutefois douteuse dans la mesure où l’organisateur de la loterie n’a jamais eu l’intention de s’engager.

C’est pourquoi le mécanisme de la responsabilité civile délictuelle a ensuite été mobilisé[6]. L’organisateur a alors été condamné, sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code civil, à verser à la victime la valeur du lot sous forme de dommages-intérêts. Là encore le mécanisme n’est pas idoine dans la mesure où il est douteux que le préjudice réellement subi puisse être égal à la valeur du lot. Le préjudice, si préjudice il y a, ne peut être en réalité que moral et résider dans la déception suscitée par l’annonce trompeuse d’un gain.

Les juges ont ensuite pu mobiliser la notion de contrat[7]. L’annonce d’un gain par la société a été analysée en une offre et la réponse du client a été considérée comme une acceptation. Un contrat aurait ainsi été formé obligeant la société à délivrer le gain au client. Là encore une telle qualification apparaît douteuse dans la mesure où il est évident, dans ces affaires, que la société organisatrice de la loterie n’a jamais eu l’intention de délivrer le lot, ce qu’une lecture attentive des mentions légales permet en général de comprendre. En l’absence de consentement, il ne peut y avoir de contrat.

Une chambre mixte a finalement été réunie pour mettre de l’ordre dans cette profusion de fondements hétéroclites. Ils ont tous été abandonnés au profit de la qualification de quasi-contrat : « l’organisateur d’une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l’existence d’un aléa s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer », solution rendue au visa de l’article 1371 ancien[8]. La solution a encore été réaffirmée récemment, en 2015 : « Mais attendu qu’il résulte de l’article 1371 du code civil que l’organisateur d’un jeu publicitaire qui annonce un gain à personne dénommée sans mettre en évidence, à première lecture, l’existence d’un aléa, s’oblige par ce fait purement volontaire, à le délivrer »[9].

L’ordonnance ne régit que trois quasi-contrats : la gestion d’affaires, l’enrichissement injustifié et le paiement de l’indu. On a vu toutefois qu’il résulte de la rédaction de l’article 1300, alinéa 2, et du rapport remis au Président de la République que la jurisprudence peut reconnaître des quasi-contrats innommés[10]. La Cour de cassation devrait donc probablement maintenir sa jurisprudence sur les loteries publicitaires.

Pour aller plus loin

(Bibliographie non exhaustive)

  • R. Libchaber, « Le malheur des quasi-contrats », Dr. et patr. n° 258, mai 2016, p. 73.
  • M. Mignot, « Commentaire article par article de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (VII) », LPA 13 avril 2016, n° 74, p. 7.
  • E. Terrier, « Les quasi-contrats dans la réforme du droit des contrats : ‘l’avenir d’une illusion’ », La réforme du droit des contrats : actes de colloque, 1ère Journée Cambacérès, 3 juillet 2015, Montpellier, Université de Montpellier, 2015, p. 139.

Notes de bas de page

[1] Ainsi celui qui bouche une fuite chez son voisin parti en vacances (gestion d’affaires) n’a sans doute pas eu la volonté de s’engager à « apporter à la gestion de l’affaire tous les soins d’une personne raisonnable » (art. 1301‑1).

[2] S’il y avait consenti, l’opération serait qualifiée de contrat, et non de quasi-contrat.

[3] V. par exemple M. Mignot, « Commentaire article par article de l’ordonnance 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (VII) », LPA 13 avril 2016, n° 74, p. 7 et s.

[4] V. Rapport remis au Président de la République.

[5] Cass. civ. 1re, 28 mars 1995, n° 93-12.678.

[6] Cass. civ. 2e, 28 juin 1995, n° 93-17.738.

[7] Cass. civ. 2e, 11 févr. 1998, n° 96-12.075.

[8] Cass. ch. mixte, 6 sept. 2002, n° 98-22.981.

[9] Cass. civ. 1re, 19 mars 2015, n° 13-27.414.

[10] Innommés dans le sens où le législateur n’a pas nommé ces quasi-contrats pour leur attribuer un régime spécifique, ce qui n’empêche pas, bien sûr, que la jurisprudence et/ou la pratique puissent leur donner un nom.

Comment citer cet article ?

C. François, « Présentation de l'article 1300 du nouveau sous-titre III “Autres sources d’obligations” », La réforme du droit des contrats présentée par l'IEJ de Paris 1, https:/​/​iej.univ-paris1.fr/​openaccess/​reforme-contrats/​titre3/​stitre3/​ [consulté le 28/03/2019].

Article publié le 01/07/2016.
Dernière mise à jour le 01/07/2016.