Présentation des articles 1349 à 1349-1 de la nouvelle section 3 « La confusion »

Publié par Clément François

ATER à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
IEJ Jean Domat

L’ordonnance se contente globalement de reprendre la substance des anciens articles 1300 et 1301. Ce faisant, les textes relatifs à la confusion demeurent en décalage avec les solutions dégagées par la jurisprudence.

Articles en vigueur au 1er octobre 2016 Articles abrogés le 1er octobre 2016
Art. 1349.- La confusion résulte de la réunion des qualités de créancier et de débiteur d’une même obligation dans la même personne. Elle éteint la créance et ses accessoires, sous réserve des droits acquis par ou contre des tiers. Art. 1300.- Lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux créances.
Art. 1349-1.- Lorsqu’il y a solidarité entre plusieurs débiteurs ou entre plusieurs créanciers, et que la confusion ne concerne que l’un d’eux, l’extinction n’a lieu, à l’égard des autres, que pour sa part.

Lorsque la confusion concerne une obligation cautionnée, la caution, même solidaire, est libérée. Lorsque la confusion concerne l’obligation d’une des cautions, le débiteur principal n’est pas libéré. Les autres cautions solidaires sont libérées à concurrence de la part de cette caution.

Art. 1301.- La confusion qui s’opère dans la personne du débiteur principal, profite à ses cautions ;

Celle qui s’opère dans la personne de la caution, n’entraîne point l’extinction de l’obligation principale ;

Celle qui s’opère dans la personne du créancier, ne profite à ses codébiteurs solidaires que pour la portion dont il était débiteur.

« La confusion résulte de la réunion des qualités de créancier et de débiteur d’une même obligation dans la même personne » (art. 1349). Cette définition est classique. Il y a par exemple confusion lorsque le créancier hérite de la dette par succession et inversement, lorsque le débiteur hérite de la créance par succession. Il y a pareillement confusion si la société créancière et la société débitrice font l’objet d’une fusion-absorption. Il y a également confusion lorsque le débiteur rachète la créance, par exemple lorsque la procédure de retrait litigieux a été utilisée (art. 1699 et s.). Le rachat de la créance par son débiteur s’analyse juridiquement en une cession de créance et non en un paiement dans la mesure où le prix de la cession est en principe inférieur au montant nominal de la créance (sinon la cession n’a aucun intérêt pour le débiteur). Le débiteur est alors à la fois cédé et cessionnaire, la cession aboutit donc à une confusion : il devient à la fois débiteur et créancier de la même obligation.

L’effet de la confusion : l’extinction de l’obligation et de ses accessoires sous réserve des droits acquis par ou contre des tiers (art. 1349). Sur ce point l’ordonnance conserve le principe de l’ancien article 1300 qui est légèrement réécrit et précisé. En effet, à en croire la formule de l’ancien article 1300, la confusion « éteint les deux créances », or la confusion résulte de la réunion sur la même tête des qualités de créancier et de débiteur : il n’y a donc qu’une seule obligation, et non pas « deux créances ».

Selon un ancien arrêt de 1934, « rien n’empêche que, même lorsqu’une confusion a été produite par le fait volontaire d’un locataire, les droits, paralysés par cette confusion puissent renaître lorsque cette confusion vient à cesser »[1]. L’emploi du terme « paralysé » suggère que la confusion n’éteindrait pas nécessairement l’obligation, qu’elle pourrait simplement paralyser, neutraliser le droit d’agir du créancier (car il est évident que le créancier ne peut pas demander paiement à lui-même), tout en maintenant l’obligation. Dans cette hypothèse, si la confusion vient à cesser, c’est-à-dire si les qualités de créancier et de débiteur sont de nouveau dissociées, alors le créancier recouvrirait son droit d’agir. Cette analyse de la confusion est défendue par certains auteurs. Les arrêts retenant cette solution sont toutefois peu nombreux, souvent anciens et concernent souvent des hypothèses dans lesquelles l’acte ayant entraîné la confusion est anéanti rétroactivement suite à sa résolution ou à son annulation. L’arrêt de 1934 précité, par exemple, concernait une résolution rétroactive du contrat ayant entraîné la confusion. Dans cette hypothèse il est plus rigoureux de considérer que si le créancier recouvre son droit d’agir, ce n’est pas parce que la confusion n’avait pas d’effet extinctif, mais parce que la confusion disparaît rétroactivement du fait de l’anéantissement rétroactif du contrat duquel elle découle. C’est d’ailleurs l’analyse qu’a retenue la Cour de cassation dans un arrêt plus récent de 2005[2].

Un arrêt de 1965 est également parfois cité au soutien de la thèse qui conteste l’effet extinctif de la confusion. Selon cet arrêt, « la confusion n’éteint pas d’une manière absolue le droit qu’elle concerne et laisse au titulaire de celui-ci la faculté de l’opposer encore aux tiers qui voudraient porter atteinte à des droits par lui définitivement acquis »[3]. Il était toutefois possible d’expliquer cette solution tout en défendant l’effet extinctif de la confusion[4]. Désormais cette solution, consacrée par l’ordonnance, peut se justifier par la nouvelle formule de l’article 1349 : la confusion « éteint la créance et ses accessoires, sous réserve des droits acquis par ou contre des tiers ».

« Lorsqu’il y a solidarité entre plusieurs débiteurs ou entre plusieurs créanciers, et que la confusion ne concerne que l’un d’eux, l’extinction n’a lieu, à l’égard des autres, que pour sa part. » (art. 1349-1, al. 1er). La solution est logique : la réunion des qualités de créancier et de débiteur n’étant que partielle (s’agissant d’une obligation plurale), la confusion n’est que partielle et, partant, l’effet extinctif produit n’est également que partiel. Cette solution n’est pas nouvelle (anc. art. 1301, al. 3).

« Lorsque la confusion concerne une obligation cautionnée, la caution, même solidaire, est libérée. » (art. 1349-1, al. 2). La solution découle directement de l’article 1349 : la confusion « éteint la créance et ses accessoires». Le cautionnement est accessoire à la dette principale garantie : si les qualités de créancier et de débiteur principal sont réunies sur une même tête, la confusion éteint la dette principale et donc, avec elle, le cautionnement qui en est l’accessoire. Là encore la solution est classique (anc. art. 1301, al. 1er).

« Lorsque la confusion concerne l’obligation d’une des cautions, le débiteur principal n’est pas libéré. Les autres cautions solidaires sont libérées à concurrence de la part de cette caution. » (art. 1349-1, al. 2). La première phrase est une reprise à droit constant de l’ancien article 1301, alinéa 2. La solution est logique : l’accessoire suit le principal, mais le principal ne suit pas l’accessoire. L’extinction de l’obligation accessoire (ici celle de la caution) par confusion n’entraîne donc pas l’extinction de l’obligation principale (ici l’obligation garantie par le cautionnement). La seconde phrase est en revanche un ajout de l’ordonnance. Les cautions ont un recours intégral contre le débiteur défaillant, mais en cas d’insolvabilité de celui-ci la charge finale de la dette doit se répartir entre les différentes cautions en fonction des parts respectives qu’elles doivent supporter de la charge finale de la dette. Il est donc logique, lorsque la confusion concerne l’obligation de l’une des cautions, que les autres soient libérées à concurrence de la part de cette caution.

Notes de bas de page

[1] Cass. req., 12 déc. 1934, Gaz. Pal. 1935, 1, p. 203.

[2] Cass. civ. 3e, 22 juin 2005, n° 03-18.624 : « Vu le principe selon lequel ce qui est nul est réputé n’avoir jamais existé, ensemble l’article 1300 du Code civil ; […] Qu’en statuant ainsi, alors que la résolution de la vente emporte anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur et que la confusion résultait de la vente, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

[3] Cass. civ. 1re, 8 déc. 1965, Bull. civ. I, n° 690.

[4] V. J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, Droit civil, Les Obligations, t. 3, Le rapport d’obligation, 9e éd., Sirey, 2015, n° 489.

Comment citer cet article ?

C. François, « Présentation des articles 1349 à 1349-1 de la nouvelle section 3 “La confusion” », La réforme du droit des contrats présentée par l'IEJ de Paris 1, https:/​/​iej.univ-paris1.fr/​openaccess/​reforme-contrats/​titre4/​chap4/​sect3-confusion/​ [consulté le 28/03/2019].

Article publié le 19/07/2016.
Dernière mise à jour le 19/07/2016.