Présentation des articles 1100 à 1100-2 du nouveau titre III « Des sources d’obligations »

Publié par Clément François

ATER à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
IEJ Jean Domat

Le Code civil énumère et définit les sources d’obligations. Bien que la présence de telles dispositions au sein du Code civil soit une nouveauté, l’ordonnance se contente de reprendre les catégories et définitions induites par la doctrine de l’étude du droit positif. La distinction classique entre les actes juridiques et les faits juridiques est ainsi consacrée. Les actes juridiques se subdivisent en deux sous-catégories : les conventions et les actes juridiques unilatéraux. Certains auteurs distinguaient un troisième type d’acte juridique, l’acte juridique collectif[1]. Celui-ci n’a pas été consacré par l’ordonnance.

Articles en vigueur au 1er octobre 2016 Articles abrogés le 1er octobre 2016
Art. 1100.- Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi.

Elles peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui.

Art. 1235, al. 2.- La répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.
Art. 1100-1.- Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.

Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats.

Art. 1100-2.- Les faits juridiques sont des agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de droit.

Les obligations qui naissent d’un fait juridique sont régies, selon le cas, par le sous-titre relatif à la responsabilité extracontractuelle ou le sous-titre relatif aux autres sources d’obligations.

Le régime des actes juridiques (art. 1100-1, al. 2). Le Code civil ne contenant toujours aucune théorie générale de l’acte juridique (contrairement au BGB allemand), on continuera d’appliquer aux actes juridiques autres que contractuels, mutatis mutandis, les dispositions relatives au droit commun des contrats. Cette règle, classique[2], est désormais codifiée à l’article 1100-1, al. 2.

La définition et le régime de l’obligation naturelle sont globalement consacrés (art. 1100, al. 2). L’article 1100, alinéa 2, consacre la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la promesse d’exécuter[3] ou le commencement d’exécution[4] d’une obligation naturelle donnent naissance à une obligation civile, jurisprudence fondée sur l’ancien article 1235, alinéa 2. L’obligation naturelle était souvent assimilée par la doctrine, peu ou prou, à un devoir moral ; l’expression retenue de « devoir de conscience envers autrui » conserve cette idée.

La Cour de cassation juge parfois que l’obligation naturelle « se mue » ou « est novée » en obligation civile, mais ces formules sont en réalité malheureuses, car l’exécution d’une obligation naturelle ou la promesse d’exécuter une obligation naturelle donnent naissance à une obligation civile nouvelle sans effacer l’obligation naturelle. Dans ces hypothèses, l’obligation civile se superpose au devoir de conscience, il n’y a donc à proprement parler ni novation (V. art. 1329), ni mutation.

L’article 1100, alinéa 2, peut s’analyser en une forme d’engagement unilatéral de volonté : une obligation civile naît par la seule volonté de son débiteur.

Ex. d’obligation naturelle : le débiteur d’une obligation prescrite peut se sentir moralement obligé de payer le créancier, alors qu’il n’en est pas légalement obligé puisque l’obligation civile est prescrite et donc éteinte (elle n’existe plus). Le débiteur qui paie une obligation prescrite en connaissance de cause ne peut agir en répétition de l’indu puisque l’exécution de l’obligation naturelle donne naissance à une obligation civile, le paiement n’est donc pas indu et correspond au paiement de cette obligation civile nouvelle.

La chambre commerciale a jugé dans un arrêt du 1er juin 2010, rendu au visa de l’ancien article 1235, que l’action en répétition de l’indu était exclue lorsque le débiteur a payé une dette prescrite, quand bien même il ignorait, au moment du paiement, que l’obligation était prescrite[5]. Le nouvel article 1100, alinéa 2, exige une « exécution volontaire » du devoir de conscience et semble donc exclure cette jurisprudence : si le débiteur ignorait que la dette était prescrite, son paiement ne peut s’analyser en une « exécution volontaire d’un devoir de conscience ». On remarque toutefois que l’ancien article 1235 visait les obligations naturelles « volontairement acquittée », l’arrêt de 2010 semblait donc déjà retenir une solution contra legem à l’époque où il avait été adopté. En outre, l’article 2249 du Code civil, introduit par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 dispose désormais que « le paiement effectué pour éteindre une dette ne peut être répété au seul motif que le délai de prescription était expiré » : les paiements de dettes prescrites effectués postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi du 17 juin 2008 sont donc valables sans qu’il soit nécessaire, pour les valider, de recourir à la notion d’obligation naturelle.

Pour aller plus loin

(Bibliographie non exhaustive)

  • C. Brenner, « Sources des obligations dans le Code civil rénové : passage à l’acte ou acte manqué ? », JCP G 2016, 524.
  • M. Mekki, « L’ordonnance n° 2016-13 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Le volet droit des contrats : l’art de refaire sans défaire », D. 2016, p. 494.
  • M. Mignot, « Commentaire article par article de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (I) », LPA 26 février 2016, n° 41, p. 8.

Notes de bas de page

[1] J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, Droit civil, Les Obligations, t. 1, L’acte juridique, 16e éd., Sirey, 2014, p. 519 et s., nos 504 et s.

[2] Rép. civ., Dalloz, v° « Acte juridique » par C. Brenner, janv. 2013 (actu. mars 2014), n° 69.

[3] Cass. civ. 1re, 4 janv. 2005, n° 02-18.904.

[4] Cass. com., 1er juin 2010, n° 09-14.353.

[5] V. note précédente.

Comment citer cet article ?

C. François, « Présentation des articles 1100 à 1100-2 du nouveau titre III “Des sources d’obligations” », La réforme du droit des contrats présentée par l'IEJ de Paris 1, https:/​/​iej.univ-paris1.fr/​openaccess/​reforme-contrats/​titre3/​ [consulté le 28/03/2019].

Article publié le 29/05/2016.
Dernière mise à jour le 29/05/2016.