Présentation des articles 1329 à 1335 de la nouvelle section 3 « La novation »

Publié par Clément François

ATER à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
IEJ Jean Domat

L’ordonnance ne modifie pas l’état antérieur du droit positif relatif à la novation. Elle réorganise toutefois les anciennes dispositions du Code civil, dont la plupart sont réécrites, et elle les complète par de nouvelles dispositions qui apportent des précisions utiles.

Articles en vigueur au 1er octobre 2016 Articles abrogés le 1er octobre 2016
Art. 1329.- La novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée.

Elle peut avoir lieu par substitution d’obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.

Art. 1271.- La novation s’opère de trois manières :

1° Lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l’ancienne, laquelle est éteinte ;

2° Lorsqu’un nouveau débiteur est substitué à l’ancien qui est déchargé par le créancier ;

3° Lorsque, par l’effet d’un nouvel engagement, un nouveau créancier est substitué à l’ancien, envers lequel le débiteur se trouve déchargé.

Art. 1330.- La novation ne se présume pas ; la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte. Art. 1273.- La novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l’opérer résulte clairement de l’acte.

 

Art. 1331.- La novation n’a lieu que si l’obligation ancienne et l’obligation nouvelle sont l’une et l’autre valables, à moins qu’elle n’ait pour objet déclaré de substituer un engagement valable à un engagement entaché d’un vice.
Art. 1332.- La novation par changement de débiteur peut s’opérer sans le concours du premier débiteur. Art. 1274.- La novation par la substitution d’un nouveau débiteur peut s’opérer sans le concours du premier débiteur.
Art. 1333.- La novation par changement de créancier requiert le consentement du débiteur. Celui-ci peut, par avance, accepter que le nouveau créancier soit désigné par le premier.

La novation est opposable aux tiers à la date de l’acte. En cas de contestation de la date de la novation, la preuve en incombe au nouveau créancier, qui peut l’apporter par tout moyen.

Art. 1334.- L’extinction de l’obligation ancienne s’étend à tous ses accessoires.

Par exception, les sûretés d’origine peuvent être réservées pour la garantie de la nouvelle obligation avec le consentement des tiers garants.

Art. 1278.- Les privilèges et hypothèques de l’ancienne créance ne passent point à celle qui lui est substituée, à moins que le créancier ne les ait expressément réservés.

Art. 1279.- Lorsque la novation s’opère par la substitution d’un nouveau débiteur, les privilèges et hypothèques primitifs de la créance ne peuvent point passer sur les biens du nouveau débiteur. Les privilèges et hypothèques primitifs de la créance peuvent être réservés, avec le consentement des propriétaires des biens grevés, pour la garantie de l’exécution de l’engagement du nouveau débiteur.

Art. 1280.- Lorsque la novation s’opère entre le créancier et l’un des débiteurs solidaires, les privilèges et hypothèques de l’ancienne créance ne peuvent être réservés que sur les biens de celui qui contracte la nouvelle dette.

Art. 1335.- La novation convenue entre le créancier et l’un des codébiteurs solidaires libère les autres.

La novation convenue entre le créancier et une caution ne libère pas le débiteur principal. Elle libère les autres cautions à concurrence de la part contributive de celle dont l’obligation a fait l’objet de la novation.

Art. 1281.- Par la novation faite entre le créancier et l’un des débiteurs solidaires, les codébiteurs sont libérés.

La novation opérée à l’égard du débiteur principal libère les cautions.

Néanmoins, si le créancier a exigé, dans le premier cas, l’accession des codébiteurs, ou, dans le second, celles des cautions, l’ancienne créance subsiste, si les codébiteurs ou les cautions refusent d’accéder au nouvel arrangement.

L’ordonnance définit la novation (art. 1329). Il s’agit d’un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée (al. 1er). La nouvelle obligation doit comporter un élément nouveau par rapport à l’ancienne. Cet élément peut être objectif, par exemple l’obligation de repeindre une pièce peut être remplacée par une obligation de repeindre toute la maison, mais l’élément peut aussi être subjectif et résider dans le changement de débiteur ou de créancier (al. 2).

La novation par changement de débiteur se distingue de la cession de dette dans la mesure où la novation ne transfère pas la dette : elle l’éteint et en crée une nouvelle à la charge d’un nouveau débiteur. Le raisonnement est le même pour la novation par changement de créancier : elle se distingue de la cession de créance en ce qu’elle n’opère pas un transfert de la créance ; au contraire, la novation éteint la créance et en crée une nouvelle au profit d’un nouveau créancier. Ces différences ne sont pas anodines dans la mesure où l’extinction de l’obligation originaire entraîne en principe l’extinction de tous ses accessoires (art. 1334, al. 1er). La création d’une nouvelle obligation fait par ailleurs courir un nouveau délai de prescription et limite les exceptions que le (nouveau) débiteur peut opposer au (nouveau) créancier (art. 1331).

La novation par changement de débiteur est distincte de la délégation imparfaite dans la mesure où cette dernière n’éteint pas l’obligation originaire. En revanche la délégation parfaite est plus délicate à distinguer de la novation par changement de débiteur. La délégation parfaite est une forme de novation par changement de débiteur : l’article 1337, alinéa 1er, l’énonce expressément. On utilise d’ailleurs parfois l’expression « délégation novatoire » pour désigner la délégation parfaite. En revanche, toute novation par changement de débiteur n’est pas nécessairement une délégation parfaite. En effet, L’article 1332 énonce que la novation par changement de débiteur peut s’opérer sans le concours du débiteur originaire ; or la délégation est par essence un contrat tripartite qui nécessite donc le consentement du débiteur originaire, c’est-à-dire du délégant (art. 1336, al. 1er).

La novation doit enfin être distinguée de la simple modification de l’obligation. Pour qu’il y ait novation, il faut que l’obligation ait subi un changement suffisamment important. S’il s’agit d’un élément non important qui a été modifié, comme le quantum de la somme due[1], alors il n’y a pas novation, mais simplement modification de l’obligation : il n’y a pas extinction de l’obligation à laquelle on substituerait une obligation nouvelle, l’obligation est modifiée en étant maintenue.

Résumé des conditions de validité de la novation (art. 1329 à 1333). Pour être valable, la novation doit réunir les conditions suivantes :

Il faut tout d’abord caractériser l’intention de nover, c’est-à-dire la volonté de substituer une obligation nouvelle à une obligation préexistante qui est éteinte. Cette volonté ne se présume pas (art. 1330), mais peut être prouvée librement conformément au droit commun de la preuve[2].

Il faut ensuite prouver que l’obligation nouvelle subit, par rapport à l’obligation éteinte, un changement suffisamment important : un changement d’objet, un changement de débiteur ou un changement de créancier.

Il faut ensuite que l’obligation préexistante soit valable. Cette solution reposait antérieurement sur la notion de cause : le débiteur de l’obligation nouvelle créée par la novation s’est engagé en contrepartie de l’extinction de l’obligation originaire. S’il s’avère que l’obligation originaire était en réalité nulle, la novation n’a pas pu l’éteindre, l’obligation nouvelle se trouvait donc dépourvue de cause et était annulée[3]. La notion de cause ayant été supprimée par la réforme, l’ordonnance énonce désormais expressément cette solution à l’article 1331. La nullité de l’obligation originaire entraîne la nullité de la novation et donc de l’obligation créée par celle-ci. Une hypothèse est toutefois réservée par l’article 1331 : celle dans laquelle la novation a « pour objet déclaré de substituer un engagement valable à un engagement entaché d’un vice ». Dans ce cas il est évident que la nullité de l’obligation ancienne ne peut entraîner la nullité de l’obligation nouvelle.

Enfin la novation, étant un contrat, nécessite le consentement de ses parties. Le consentement du créancier originaire est toujours requis. Le consentement du débiteur originaire est en principe également toujours requis, même en cas de changement de créancier (art. 1333, al. 1er ; il s’agit d’une différence de régime avec la cession de créance, V. art. 1321, al. 4), à une exception près : la novation par changement de débiteur peut avoir lieu sans le consentement du débiteur originaire (art. 1332 ; il s’agit d’une différence de régime avec la cession de dette, V. art. 1327). Il s’agit d’une exception au principe de l’effet relatif des contrats (V. art. 1199). En plus du consentement des débiteur et créancier originaires, le consentement du nouveau débiteur est naturellement requis en cas de novation par changement de débiteur, de même que le consentement du nouveau créancier en cas de novation par changement de créancier.

Effets de la novation en cas d’invalidité de l’obligation nouvelle (art. 1331). Nous venons de voir que l’invalidité de l’obligation ancienne entraînait l’invalidité de l’obligation nouvelle. Que se passe-t-il lorsque c’est l’obligation nouvelle qui est invalide ? Le mouvement est inverse : l’annulation de l’obligation nouvelle va ressusciter rétroactivement l’obligation ancienne qui avait été éteinte par la novation. Cette solution était antérieurement fondée sur la notion de cause : l’obligation ancienne est éteinte parce qu’une obligation nouvelle est créée en contrepartie. Si l’obligation nouvelle est rétroactivement annulée, l’extinction de l’obligation ancienne perd rétroactivement sa cause[4]. La notion de cause ayant été supprimée du droit positif par la réforme, l’ordonnance énonce désormais expressément cette solution à l’article 1331.

Le régime de l’opposabilité des exceptions (art. 1331). En dehors de l’hypothèse dans laquelle l’obligation ancienne était totalement ou partiellement inexistante au moment de la novation (art. 1331), le (nouveau) débiteur ne peut opposer au (nouveau) créancier aucune exception tirée du rapport fondé sur l’ancienne obligation, puisque le (nouveau) débiteur n’est plus tenu vis-à-vis du (nouveau) créancier de cette obligation, qui a été éteinte par la novation, mais d’une nouvelle obligation

Opposabilité de la novation aux tiers (art. 1333, al. 2). La novation a pour effet d’éteindre l’obligation ancienne, il est donc crucial de savoir à quelle date elle est opposable aux tiers lorsqu’un tiers revendique un droit sur la créance ancienne. L’ordonnance calque le régime de l’opposabilité de la novation sur celui de la cession de créance (art. 1323, al. 2) : la novation est opposable aux tiers à la date de l’acte et, en cas de contestation, il incombe au nouveau créancier d’en apporter la preuve par tout moyen.

Le texte, par l’expression « nouveau créancier », ne vise que l’hypothèse de la novation par changement de créancier, alors que la question de l’opposabilité de la novation se pose également dans les autres hypothèses de novation. Imaginons par exemple que le créancier cède sa créance, puis qu’il opère une novation par changement de débiteur avant que le débiteur n’ait été informé de l’existence de la cession de créance. Le débiteur cédé, c’est-à-dire le débiteur originaire, pourra-t-il opposer au créancier cessionnaire le contrat de novation par changement de débiteur pour refuser de payer ? La réponse est en réalité donnée par l’article 1324, alinéa 2 : le débiteur cédé peut opposer au cessionnaire « les exceptions nées de ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable ». La cession n’étant opposable au débiteur cédé qu’à compter de sa notification (art. 1324, al. 1er), celui-ci peut opposer au cessionnaire le contrat de novation par changement de débiteur conclu avec le cédant avant que la cession lui ait été notifiée.

Les tiers peuvent consentir au maintien des garanties (art. 1334, al. 2). La novation entraîne l’extinction de l’obligation originaire et, avec elle, celle des accessoires (art. 1334, al. 1er : l’accessoire suit le principal). Par exception, les garants peuvent consentir au report des sûretés sur la nouvelle obligation.

« La novation convenue entre le créancier et l’un des codébiteurs solidaires libère les autres. » (art. 1335, al. 1er). Cette règle est une simple reprise de l’ancien article 1281, alinéa 1er, et n’appelle donc pas de commentaire particulier. Le second alinéa traite des conséquences de la novation conclue entre une caution et le créancier, hypothèse rare en pratique.

Notes de bas de page

[1] Cass. civ. 1re, 25 mai 1981, n° 80-12.494.

[2] Rapport remis au Président de la République. En effet, il ne s’agit pas ici de prouver l’existence d’un acte juridique, mais de l’interpréter pour savoir s’il recèle bien l’intention de nover des parties. La preuve est donc libre.

[3] Cass. civ. 1re, 7 nov. 1995, n° 92-16.695.

[4] Cass. com., 14 mai 1996, n° 94-14.625 : « Attendu que la novation n’a lieu que si une obligation valable est substituée à l’obligation initiale ; qu’en cas d’annulation de la convention novatoire la première obligation retrouve son efficacité ; qu’il en est ainsi même lorsque le créancier savait que l’obligation nouvelle était annulable de son propre fait ».

Comment citer cet article ?

C. François, « Présentation des articles 1329 à 1335 de la nouvelle section 3 “La novation” », La réforme du droit des contrats présentée par l'IEJ de Paris 1, https:/​/​iej.univ-paris1.fr/​openaccess/​reforme-contrats/​titre4/​chap2/​sect3-novation/​ [consulté le 28/03/2019].

Article publié le 18/07/2016.
Dernière mise à jour le 18/07/2016.