Les dispositions du Code civil relatives à la nullité ont été considérablement modernisées et complétées par l’ordonnance. Sur le fond, la jurisprudence est globalement consacrée.
Articles en vigueur au 1er octobre 2016 | Articles abrogés le 1er octobre 2016 |
Art. 1178.- Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord.
Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. |
Art. 1117.- La convention contractée par erreur, violence ou dol, n’est point nulle de plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision, dans les cas et de la manière expliqués à la section VII du chapitre V du présent titre. |
Art. 1179.- La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.
Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé. |
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Art. 1180.- La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public.
Elle ne peut être couverte par la confirmation du contrat. |
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Art. 1181.- La nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.
Elle peut être couverte par la confirmation. Si l’action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l’un n’empêche pas les autres d’agir. |
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Art. 1182.- La confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat. L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé. La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers. |
Art. 1338.- L’acte de confirmation ou ratification d’une obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en rescision n’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l’action en rescision, et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.
A défaut d’acte de confirmation ou ratification, il suffit que l’obligation soit exécutée volontairement après l’époque à laquelle l’obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée. La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l’époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l’on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers. Art. 1115.- Un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence, si, depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé soit expressément, soit tacitement, soit en laissant passer le temps de la restitution fixé par la loi. Art. 1311.- Il [le mineur] n’est plus recevable à revenir contre l’engagement qu’il avait souscrit en minorité, lorsqu’il l’a ratifié en majorité, soit que cet engagement fût nul en sa forme, soit qu’il fût seulement sujet à restitution. |
Art. 1183.- Une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé.
L’écrit mentionne expressément qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé. |
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Art. 1184.- Lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles.
Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite, ou lorsque les fins de la règle méconnue exigent son maintien. |
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Art. 1185.- L’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. |
La nullité n’est pas une sanction automatique (art. 1178, al. 1er). La formulation de l’article 1178, alinéa 1er, est maladroite : un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité n’est pas nul, comme l’affirme le texte, mais simplement annulable, puisque le texte précise ensuite que la nullité doit être prononcée par le juge ou constatée d’un commun accord par les parties. Le contrat invalide n’est donc pas automatiquement nul, il ne le devient que si le juge prononce cette sanction ou si les parties la constatent d’un commun accord.
Une fois la sanction de la nullité mise en œuvre, celle-ci agit classiquement de façon rétroactive (art. 1178, al. 2), ce qui nécessitera de procéder à des restitutions si le contrat a reçu un commencement d’exécution (art. 1778, al. 3). Le texte reste en revanche muet sur l’opposabilité de la nullité aux tiers lorsqu’elle n’a pas été prononcée par le juge, mais décidée par les parties d’un commun accord.
L’annulation rétroactive du contrat fait disparaître rétroactivement les normes contractuelles, mais l’accord de volonté est un fait matériel qui subsiste et qui est donc susceptible d’engager la responsabilité civile délictuelle de ses auteurs (art. 1178, al. 4). Le fait de conclure un contrat ayant un but contraire à l’ordre public est clairement une faute au sens de l’article 1240 (anc. art. 1382) : l’annulation rétroactive des normes contractuelles ne fait pas disparaître cette faute, qui subsiste. De même en cas de dol : l’annulation rétroactive du contrat ne fait pas disparaître le dol qui est constitutif d’une faute civile délictuelle. Le cocontractant victime du dol pourra donc agir en réparation sur le fondement de l’article 1240 si un préjudice subsiste à l’issu des restitutions consécutives à l’annulation rétroactive du contrat (ex : les frais engagés pour négocier le contrat). Ces solutions classiques[1] sont donc conservées.
La théorie moderne de la nullité est consacrée quant au critère de distinction entre la nullité relative et la nullité absolue (art. 1179). La distinction entre la nullité relative et la nullité absolue est admise de longue date, mais les critères de la distinction ont évolué. La théorie dite « classique » assimilait l’acte juridique à un organisme vivant : la nullité relative sanctionnait le contrat entaché d’un vice bénin qui n’empêchait pas le contrat de « survivre », cependant que la nullité absolue sanctionnait un contrat considéré comme « mort-né » car entaché d’un vice particulièrement grave. La théorie dite « moderne » abandonne le critère de la gravité du vice et lui substitut celui de l’intérêt protégé par la règle violée. Si le contrat viole une règle de formation destinée à protéger l’intérêt général, alors la nullité est absolue ; s’il viole une règle de formation destinée à protéger un intérêt particulier, alors la nullité est relative. La théorie moderne est loin de résoudre toutes les difficultés, car il existe de nombreuses règles pour lesquelles il est malaisé de déterminer l’intérêt protégé. Malgré ces critiques, l’ordonnance consacre la théorie moderne. L’article 1179, alinéa 2, précise que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour « seul » objet la sauvegarde d’un intérêt privé : la règle qui protège à la fois l’intérêt général et un intérêt privé est donc sanctionnée par une nullité absolue.
Les différences de régime entre la nullité absolue et la nullité relative sont également consacrées (art. 1180 et 1181). Le régime diffère tout d’abord en ce qui concerne les personnes susceptibles de soulever une cause de nullité (par voie d’action, comme par voie d’exception). La nullité absolue peut être soulevée par toute personne intéressée ainsi que par le ministère public (art. 1180, al. 1er). La nullité relative, en revanche, ne peut être soulevée que par la partie que la règle transgressée avait vocation à protéger (art. 1181, al. 1er). La possibilité pour le juge de soulever d’office la nullité n’est pas envisagée par l’ordonnance.
Le régime diffère ensuite quant à la confirmation du contrat invalide. La confirmation, dans le prolongement de la théorie moderne des nullités, est conçue comme une renonciation au droit d’invoquer la nullité de l’acte invalide (art. 1182), par voie d’action comme par voie d’exception (art. 1182, al. 4). Il s’ensuit logiquement que l’on ne peut confirmer un acte entaché d’une cause de nullité absolue, car on ne peut renoncer à un droit qui est indisponible, ce qui est le cas de l’action en nullité lorsque la nullité protège l’intérêt général (art. 1180, al. 2). En revanche l’action en nullité est disponible lorsqu’elle protège un intérêt particulier. Il est donc possible de renoncer à l’action en nullité relative en confirmant l’acte (art. 1181, al. 2). La confirmation étant une renonciation au droit d’agir, l’acte juridique demeure irrégulier (invalide) et les autres titulaires d’une action en nullité peuvent agir tant qu’ils n’ont pas eux-mêmes confirmé l’acte (art. 1181, al. 3).
Le délai de prescription de l’action en nullité est de cinq ans que la nullité soit relative ou absolue (cet alignement des délais de prescription a été opéré par la réforme de la prescription du 17 juillet 2008[2]).
Le régime jurisprudentiel de la confirmation est globalement consacré par l’article 1182. Comme on l’a indiqué, il s’agit d’une renonciation au droit de soulever la nullité du contrat (art. 1182, al. 1er) : l’acte demeure donc irrégulier et les autres titulaires d’une action en nullité peuvent continuer de l’exercer (art. 1182, al. 4 et 1181, al. 3). Il est impossible de confirmer par avance le contrat (art. 1182, al. 2), autrement le risque serait grand de voir fleurir les clauses de renonciation anticipée au droit d’agir en nullité qui deviendraient des clauses de style. L’exécution volontaire du contrat par celui qui connaissait l’existence d’une cause de nullité relative est analysée en une confirmation tacite du contrat (art. 1182, al. 3). Enfin, la confirmation empêche son auteur non seulement d’agir en nullité, mais aussi d’opposer la nullité par voie d’exception (art. 1182, al. 4).
Une action interrogatoire (ou interpellation interrogatoire, V. supra le commentaire de l’article 1123) est créée en matière de nullité (art. 1183). L’action n’est ouverte qu’aux parties au contrat. Une partie peut donc demander à celle qui peut se prévaloir d’une nullité soit d’agir dans un délai de six mois à peine de forclusion, soit de confirmer le contrat (al. 1er). Un certain formalisme doit être respecté, puisque l’action interrogatoire doit être exercée par écrit et doit mentionner la conséquence d’une absence de réponse dans le délai de six mois (al. 2). Le domaine d’application de cette action interrogatoire est restreint par la deuxième phrase de l’alinéa premier selon laquelle « la cause de nullité doit avoir cessé ».
M. Philippe Dupichot, Professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, développe ce sujet dans la vidéo ci-dessous.
Vidéo : L’action interrogatoire du nouvel article 1183 du Code civil présentée par le Professeur Philippe Dupichot (6 min).
L’étendue de la nullité est enfin régie par une disposition générale (art. 1184). Le contrat peut être en partie sauvé en ne prononçant qu’une nullité partielle si deux conditions sont réunies : la cause de nullité ne doit affecter qu’une partie des clauses du contrat et les clauses concernées ne doivent pas avoir été déterminantes de l’engagement des parties ou de l’une d’elles (al. 1er). On rappellera que le mode d’appréciation du caractère déterminant d’une clause est précisé par l’article 1130, alinéa 2.
Le contrat peut être exceptionnellement maintenu lorsque l’invalidité affecte des clauses déterminantes du consentement dans deux cas de figure : lorsque lesdites clauses sont réputées non écrites ou lorsque la finalité de la règle de formation transgressée exige le maintien du contrat (al. 2).
La perpétuité de l’exception de nullité tant que le contrat n’a pas reçu de commencement d’exécution est consacrée (art. 1185). Est ainsi consacrée une jurisprudence constante selon laquelle « l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté »[3]. La perpétuité de l’exception de nullité a donc un champ d’application en réalité très restreint puisqu’elle ne joue pas en cas de commencement d’exécution du contrat. Cette limite à l’exception de nullité concerne aussi bien les nullités relatives que les nullités absolues[4]. Le commencement d’exécution est de surcroît conçu très extensivement par la jurisprudence : d’une part, il est caractérisé dès lors qu’une obligation quelconque du contrat a commencé à être exécutée, même s’il s’agit d’une obligation accessoire autre que celle dont le paiement est demandé[5]; d’autre part, il est apprécié de façon purement objective, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que le débiteur ait eu connaissance de l’irrégularité au moment où il a commencé à exécuter l’acte[6], contrairement à la confirmation tacite (art. 1182, al. 3). Enfin, le commencement d’exécution fait également obstacle à la perpétuité de l’exception de nullité vis-à-vis des tiers. Une caution qui souhaite se soustraire à son engagement, par nature accessoire, ne peut donc pas invoquer par voie d’exception la nullité du contrat principal si ce dernier a déjà reçu un commencement d’exécution[7].
Pour aller plus loin
(Bibliographie non exhaustive)
- Q. Adrey, P. Bordais et P. Marcou, « Les nullités conventionnelles », La réforme du droit des contrats : actes de colloque, 1ère Journée Cambacérès, 3 juillet 2015, Montpellier, Université de Montpellier, 2015, p. 247.
- D. Boulaud, P. Marcou et J. Pudico, « L’action interrogatoire », La réforme du droit des contrats : actes de colloque, 1ère Journée Cambacérès, 3 juillet 2015, Montpellier, Université de Montpellier, 2015, p. 221.
- A. Etienney-de Sainte Marie, « Les nullités », Dr. et patr. n° 258, mai 2016, p. 64.
- J.-F. Hamelin, « La nullité judiciaire », Blog Réforme du droit des obligations, dir. G. Chantepie et M. Latina, billet du 24 mars 2015, http://reforme-obligations.dalloz.fr/2015/03/24/la-nullite-judiciaire/ [consulté le 03/06/2016].
Notes de bas de page
[1] V. par exemple, à propos du dol, Cass. civ. 1re, 4 févr. 1975, n° 72-13.217 : « le droit de demander la nullité d’un contrat par application des articles 1116 et 1117 du code civil n’exclut pas l’exercice, par la victime des manœuvres dolosives, d’une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu’elle a subi ».
[2] Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.
[3] Cass. civ. 1re, 13 févr. 2007, n° 05-18.097 ; V. aussi Cass. civ. 1re, 1er déc. 1998, n° 96-17.761 qui a un attendu de principe similaire : « si l’exception de nullité est perpétuelle, c’est à la condition qu’elle soit invoquée pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté ».
[4] Cass. civ. 1re, 24 avr. 2013, n° 11-27.082, confirmé depuis par plusieurs arrêts inédits : Cass. civ. 1re, 30 oct. 2013, n° 12-24.448 ; 22 janv. 2014, n° 12-19.911. Comp. antérieurement : Cass. civ. 1re, 20 mai 2009, n° 08-13.018.
[5] Cass. com., 13 mai 2014, n° 12-28.013.
[6] Cass. civ. 1re, 15 janv. 2015, n° 13-25.512.
[7] Cass. civ. 1re, 9 nov. 1999, n° 97-16.454 ; Cass. com., 6 juin 2001, n° 98-18.928 ; Cass. civ. 1re, 3 juill. 2001, n° 99-19.084.