L’obligation est un lien de droit qui unie, dans sa forme la plus simple, un créancier et un débiteur. Il existe toutefois des obligations qui peuvent lier plusieurs débiteurs et/ou plusieurs créanciers, ces obligations sont régies par la présente sous-section.
Le Code civil de 1804 comportait deux sections relatives à la pluralité de sujets : l’une consacrée aux obligations solidaires, l’autre aux obligations indivises. L’ordonnance conserve ce plan. Les dispositions sont profondément modifiées sur la forme, sans véritable incidence sur le fond. Une sorte de disposition liminaire est par ailleurs consacrée aux obligations conjointes (art. 1309).
Articles en vigueur au 1er octobre 2016 | Articles abrogés le 1er octobre 2016 |
Art. 1309.- L’obligation qui lie plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux. La division a lieu également entre leurs successeurs, l’obligation fût-elle solidaire. Si elle n’est pas réglée autrement par la loi ou par le contrat, la division a lieu par parts égales.
Chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune ; chacun des débiteurs n’est tenu que de sa part de la dette commune. Il n’en va autrement, dans les rapports entre les créanciers et les débiteurs, que si l’obligation est solidaire ou si la prestation due est indivisible. |
Art. 1217.- L’obligation est divisible ou indivisible selon qu’elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l’exécution, est ou n’est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.
Art. 1218.- L’obligation est indivisible, quoique la chose ou le fait qui en est l’objet soit divisible par sa nature, si le rapport sous lequel elle est considérée dans l’obligation ne la rend pas susceptible d’exécution partielle. Art. 1219.- La solidarité stipulée ne donne point à l’obligation le caractère d’indivisibilité. Art. 1220.- L’obligation qui est susceptible de division doit être exécutée entre le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible. La divisibilité n’a d’application qu’à l’égard de leurs héritiers, qui ne peuvent demander la dette ou qui ne sont tenus de la payer que pour les parts dont ils sont saisis ou dont ils sont tenus comme représentant le créancier ou le débiteur. |
L’obligation comportant une pluralité de sujets est en principe une obligation conjointe (art. 1309). Le principe est ainsi celui de la division de l’obligation entre ses différents sujets actifs (s’il y a une pluralité de créanciers) ou entre ses différents sujets passifs (s’il y a une pluralité de débiteurs) ; cette règle est prévue par l’alinéa 1er. Ainsi, en cas de pluralité de débiteurs, le créancier ne peut pas demander à l’un des codébiteurs de payer la totalité de la dette : il doit diviser ses recours et demander à chaque codébiteur de payer sa part, et seulement sa part (al. 2). La logique est identique en cas de pluralité de créanciers : chaque créancier ne peut demander que le paiement de sa propre part ; un créancier ne peut réclamer le paiement des parts des autres créanciers (al. 2).
En cas de décès de l’un des créanciers ou de l’un des débiteurs, le principe de divisibilité continue à s’appliquer entre les héritiers du créancier ou du débiteur décédé (al. 1er). Imaginons une obligation monétaire divisible et conjointe de 100 comportant un créancier et deux débiteurs A et B tenus chacun de 50. Le créancier ne peut assigner en paiement A qu’à hauteur de 50. Si A décède et que deux héritiers lui succèdent, chaque héritier sera tenu de 25 et le créancier devra diviser ses recours.
La solidarité, ainsi que nous le verrons, fait échec au principe de la division de la dette entre les débiteurs originaires. En revanche, elle ne fait pas échec au principe de la division de la dette en cas de décès de l’un des codébiteurs solidaires. L’indivisibilité et la solidarité sont donc deux notions distinctes : une obligation peut être solidaire sans être indivisible. Imaginons une obligation monétaire divisible et solidaire de 100 comportant un créancier et deux débiteurs A et B tenus chacun de 50. Le créancier peut assigner A en paiement à hauteur de 100, l’obligation étant solidaire. Si A décède et que deux héritiers lui succèdent, chaque héritier ne sera tenu que de 25 dans la charge finale de la dette (au stade de la contribution à la dette, V. la page suivante) et le créancier devra diviser ses recours entre les successeurs de A, c’est-à-dire qu’il ne pourra assigner chacun qu’à hauteur de 50[1]. La solution serait différente si l’obligation était indivisible : dans ce cas les deux héritiers, tout en restant tenus chacun de 25 dans la charge finale de la dette, seraient tenus à hauteur de 100 vis-à-vis du créancier du fait du caractère indivisible de leur dette. L’indivisibilité est donc une garantie plus puissante que la solidarité.
Pour en revenir à l’obligation conjointe, c’est la volonté des parties (si l’obligation a une source conventionnelle) ou à la loi (si l’obligation à une source légale) qui déterminent la part de la dette qui pèse sur chaque codébiteur. Si les parties ou la loi n’ont pas réglé cette question, alors la division a lieu par parts égales (al. 1er), on dit aussi parfois par parts viriles.
L’alinéa 3 précise enfin que l’obligation est en principe conjointe et que la solidarité et l’indivisibilité de l’obligation sont des exceptions à ce principe. En pratique, sur un plan purement quantitatif, l’obligation comportant une pluralité de sujets est plus souvent solidaire que conjointe puisque la solidarité est une forme de garantie très intéressante pour le créancier.
On notera que l’article 1309 n’utilise pas l’expression « obligation conjointe ». Il s’agit d’un choix délibéré du Gouvernement, l’expression étant jugée inutile et source de confusion[2]. Il est vrai que la doctrine fait souvent remarquer que l’adjectif « conjoint » est trompeur et que l’adjectif « disjoint » serait plus adéquat. Il n’est pas certain que l’expression disparaîtra en pratique. Excepté cet abandon terminologique, l’article 1309 n’apporte aucune modification, sur le fond, au droit positif antérieur.
Pour aller plus loin
(Bibliographie non exhaustive)
- Ph. Briand, « La cotitularité des obligations », Dr. et patr. n° 258, mai 2016, p. 80.
- A. Hontebeyrie, « Pluralité de sujets : altération et complications », Dr. et patr. n° 249, juillet-août 2015, p. 46.
Notes de bas de page
[1] Cass. civ. 1re, 10 mai 1988, n° 86-15.278.
[2] Rapport remis au Président de la République : « Dans un souci de simplification du vocabulaire utilisé, il a été fait le choix de ne pas introduire dans le code l’expression doctrinale d’obligation « conjointe » pour désigner l’obligation à pluralité de sujets, une telle qualification étant dénuée de portée pratique et source de confusion. »