Présentation des articles 1305 à 1305-5 de la nouvelle section 2 « L’obligation à terme »

Publié par Clément François

ATER à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
IEJ Jean Domat

L’ordonnance reprend la substance des anciennes dispositions du Code civil relatives au terme et les complète en codifiant les précisions apportées par la jurisprudence.

Articles en vigueur au 1er octobre 2016 Articles abrogés le 1er octobre 2016
Art. 1305.- L’obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine. Art. 1185.- Le terme diffère de la condition, en ce qu’il ne suspend point l’engagement, dont il retarde seulement l’exécution.
Art. 1305-1.- Le terme peut être exprès ou tacite.

A défaut d’accord, le juge peut le fixer en considération de la nature de l’obligation et de la situation des parties.

Art. 1305-2.- Ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance ; mais ce qui a été payé d’avance ne peut être répété. Art. 1186.- Ce qui n’est dû qu’à terme, ne peut être exigé avant l’échéance du terme ; mais ce qui a été payé d’avance ne peut être répété.
Art. 1305-3.- Le terme profite au débiteur, s’il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des circonstances qu’il a été établi en faveur du créancier ou des deux parties.

La partie au bénéfice exclusif de qui le terme a été fixé peut y renoncer sans le consentement de l’autre.

Art. 1187.- Le terme est toujours présumé stipulé en faveur du débiteur, à moins qu’il ne résulte de la stipulation, ou des circonstances, qu’il a été aussi convenu en faveur du créancier.
Art. 1305-4.- Le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation. Art. 1188.- Le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsque par son fait il a diminué les sûretés qu’il avait données par le contrat à son créancier.
Art. 1305-5.- La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires.

La définition retenue du terme est classique (art. 1305). Le terme est une modalité de l’obligation qui fait dépendre l’exigibilité de cette dernière de la survenance d’un événement futur et certain. Le terme se distingue donc de la condition à deux égards. Premièrement, le terme n’affecte pas l’existence de l’obligation, mais seulement son exigibilité : l’obligation existe dès la conclusion du contrat, mais son exécution ne peut pas être exigée par le créancier avant que le terme ne soit échu. Deuxièmement, seul un événement certain peut être érigé en terme, alors que seul un événement incertain peut être érigé en condition. Il faut comprendre par-là qu’il doit être certain que l’événement se réalisera, mais la date de sa réalisation peut être incertaine.

C’est ainsi que l’on distingue le terme certain du terme incertain. Le terme est dit certain lorsque l’on connaît la date à laquelle l’événement se réalisera, par exemple, typiquement, parce que le terme est une date précise (ex. : « l’obligation deviendra exigible le 3 février 2017 », il s’agit d’un terme certain). Le terme est dit incertain lorsque l’on ne connaît pas la date à laquelle l’événement se réalisera. Par exemple, dans le cadre d’un contrat d’assurance vie, le promettant s’oblige à verser une certaine somme au bénéficiaire de la promesse au moment du décès du stipulant ; l’obligation du promettant est alors affectée d’un terme incertain. Il faut bien comprendre que le terme, qu’il soit dit certain ou incertain, est toujours un événement dont la réalisation est certaine : seule la date de sa réalisation est certaine ou incertaine. Ainsi, la mort d’une personne est un terme incertain, car on ne peut jamais savoir avec certitude la date à laquelle une personne mourra, mais il s’agit d’un événement dont la réalisation est certaine, car il est certain que ladite personne mourra tôt ou tard. Si la réalisation de l’événement est incertaine, alors il s’agit d’une condition et non d’un terme.

Dernière précision quant à la définition du terme : les articles 1305 et suivants ne régissent qu’un type de terme, le terme suspensif. Comme son nom l’indique, ce terme suspend l’exigibilité de l’obligation. La doctrine distingue souvent un autre type de terme, qui peut s’appliquer à l’obligation ou à la totalité des effets du contrat : le terme extinctif. Comme son nom l’indique, ce terme éteint l’obligation. En réalité le terme suspensif et le terme extinctif peuvent difficilement être subsumés sous une notion unique de « terme » dans la mesure où le terme suspensif, on l’a vu, affecte l’exigibilité de l’obligation sans affecter son existence, cependant que le terme extinctif affecte l’existence même de l’obligation puisqu’il éteint cette dernière pour l’avenir. Le terme extinctif est régi par les articles 1210 et suivants lorsqu’il affecte l’ensemble du contrat. Le terme extinctif qui n’affecte qu’une seule obligation du contrat ne fait l’objet d’aucune disposition particulière dans l’ordonnance, mais cela était déjà le cas dans le droit positif antérieur sans que cela ne suscite de véritable difficulté.

Le terme peut être exprès ou tacite (art. 1305-1, al. 1er). Lorsque les parties ont affecté l’obligation d’un terme suspensif, mais que le délai du terme n’est ni déterminé, ni déterminable indépendamment d’un nouvel accord de volonté des parties, le juge peut fixer ce délai (art. 1305-1, al. 2). Le juge doit alors, pour fixer ce délai, prendre en considération la nature de l’obligation et la situation des parties.

Le débiteur qui a exécuté l’obligation avant son terme ne peut agir en répétition de l’indu contre le créancier (art. 1305-2). Il s’agit d’une solution logique puisque le terme suspensif n’affecte pas l’existence de l’obligation, mais seulement son exigibilité. Le paiement effectué avant terme n’est donc pas indu stricto sensu puisque le solvens était bien débiteur et l’accipiens était bien créancier. Le texte précise par ailleurs que le créancier ne peut exiger le paiement avant l’échéance, ce qui découle déjà directement de la définition de l’obligation à terme énoncée à l’article 1305. L’article 1305-2 est une reprise de l’ancien article 1186 et n’est donc pas une nouveauté.

Le terme est présumé profiter au débiteur (art. 1305-3, al. 1er). La règle de l’ancien article 1187 est reprise en substance. Il s’agit d’une présomption simple qui peut être renversée en prouvant qu’il résulte de la loi, de la volonté des parties ou des circonstances que le terme a été établi en faveur du créancier ou des deux parties. On peut citer à titre d’exemple le terme suspensif qui affecte l’obligation de remboursement de l’emprunteur d’une somme d’argent dans un contrat de prêt à intérêt. Ce terme est évidemment stipulé dans l’intérêt du débiteur qui n’emprunte pas une somme d’argent pour s’engager à la rembourser immédiatement, cela n’aurait aucun sens. Mais le terme est également stipulé dans l’intérêt du créancier qui est rémunéré par la perception d’intérêts.

Seule la partie au bénéfice exclusif de laquelle le terme a été fixé peut y renoncer sans le consentement de l’autre (art. 1305-3, al. 2). Ainsi, dans l’exemple précité du contrat de prêt d’argent à intérêt, l’emprunteur ne peut en principe renoncer unilatéralement au terme, puisque cela priverait le prêteur du bénéfice qu’il escomptait du contrat de prêt (la perception d’intérêts jusqu’à l’échéance). Cette disposition est bien sûr supplétive de volonté et en pratique il est fréquent que l’emprunteur puisse renoncer unilatéralement au terme en procédant à un remboursement anticipé, en général en contrepartie du paiement d’une indemnité dite « de remboursement anticipé » (qui peut par exemple être égale à six mois d’intérêts). Il résulte de la rédaction de l’article 1305-3, alinéa 2, que les parties peuvent renoncer au terme d’un commun accord lorsqu’il a été stipulé dans l’intérêt des deux parties.

« Le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation. » (art. 1305-4). L’ordonnance reprend ici l’ancien article 1188 auquel une précision est ajoutée : l’ancien texte ne visait que l’hypothèse dans laquelle le débiteur avait, par son fait, diminué les sûretés qu’il avait données à son créancier ; le nouveau texte ajoute à cette hypothèse celle dans laquelle le débiteur ne fournit pas les sûretés promises au créancier.

La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires. » (art. 1305-5). L’ordonnance consacre « la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur l’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés, même solidaires (ce qui inclut les garants), dans la mesure où la déchéance est par nature une sanction personnelle »[1].

Pour aller plus loin

(Bibliographie non exhaustive)

Note de bas de page

[1] Rapport remis au Président de la République. V. not. Cass. com., 15 juin 2011, n° 10-18.850 : « Et attendu, en second lieu, que la déchéance du terme résultant de la liquidation judiciaire du débiteur principal n’a d’effet qu’à l’égard de celui-ci et reste sans incidence sur la situation de ses coobligés solidaires poursuivis en paiement […] ».

Comment citer cet article ?

C. François, « Présentation des articles 1305 à 1305-5 de la nouvelle section 2 “L’obligation à terme” », La réforme du droit des contrats présentée par l'IEJ de Paris 1, https:/​/​iej.univ-paris1.fr/​openaccess/​reforme-contrats/​titre4/​chap1/​sect2-obligation-terme/​ [consulté le 28/03/2019].

Article publié le 16/07/2016.
Dernière mise à jour le 16/07/2016.