La Cour EDH a jugé le droit français relatif à l’accouchement anonyme conforme à la Conv. EDH au motif qu’un équilibre est instauré entre le secret de l’accouchement et l’intérêt de l’enfant à connaître ses origines (CEDH, 13 févr. 2003, n° 42326/98, Odièvre c./ France). En sens inverse, la législation italienne a été condamnée pour ne pas offrir à l’enfant un accès à des informations non identifiantes et pour ne pas avoir organisé la réversibilité du secret. Le compromis entre le droit de la femme à accoucher dans le secret et le droit de l’enfant à connaître ses origines n’est alors pas assuré (CEDH, 25 septembre 2012, n° 33783/09, Godelli c./ Italie).
CEDH, 13 févr. 2003, n° 42326/98, Odièvre c./ France : « En l’espèce, la Cour observe que la requérante a eu accès à des informations non identifiantes sur sa mère et sa famille biologique lui permettant d’établir quelques racines de son histoire dans le respect de la préservation des intérêts des tiers ; […] le système mis en place par la France […] peut désormais permettre à la requérante de solliciter la réversibilité́ du secret de l’identité́ de sa mère sous réserve de l’accord de celle-ci de manière à assurer équitablement la conciliation entre la protection de cette dernière et la demande légitime de l’intéressée. »
CEDH, 25 septembre 2012, n° 33783/09, Godelli c./ Italie : « La Cour note qu’à la différence du système français examiné dans l’arrêt Odièvre, la législation italienne ne tente de ménager aucun équilibre entre les droits et les intérêts concurrents en cause. En l’absence de tout mécanisme destiné à mettre en balance le droit de la requérante à connaitre ses origines avec les droits et les intérêts de la mère à maintenir son anonymat, une préférence aveugle est inévitablement donnée à cette dernière […]
Dans le cas d’espèce, la Cour note que, si la mère biologique a décidé de garder l’anonymat, la législation italienne ne donne aucune possibilité́ à l’enfant adopté et non reconnu à la naissance de demander soit l’accès à des informations non identifiantes sur ses origines, soit la réversibilité́ du secret. Dans ces conditions, la Cour estime que l’Italie n’a pas cherché à établir un équilibre et une proportionnalité́ entre les intérêts des parties concernées et a donc excédé la marge d’appréciation qui doit lui être reconnue. »
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé dans le même sens. Selon les Sages, l’accouchement anonyme poursuit un objectif de protection de la santé de valeur constitutionnelle, au sens du 11ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, car il tend à « éviter le déroulement de grossesses et d’accouchements dans des conditions susceptibles de mettre en danger la santé tant de la mère que de l’enfant et prévenir les infanticides ou des abandons d’enfants ». Au surplus, un équilibre est instauré entre le droit de la mère à accoucher dans le secret, garanti par l’article 2 de la DDH, et le droit de l’enfant à connaître ses origines, protégé par le droit de mener une vie familiale normale, au sens du 10ème alinéa du Préambule de 1946. La mère de naissance peut, en effet, laisser des renseignements au jour de l’accouchement et décider de lever ultérieurement le secret de son identité (Cons. constit., 16 mai 2012, n° 2012-248 QPC).
Cons. constit. 16 mai 2012, n° 2012-248 QPC : « qu’en garantissant ainsi un droit à l’anonymat et la gratuité de la prise en charge lors de l’accouchement dans un établissement sanitaire, le législateur a entendu éviter le déroulement de grossesses et d’accouchements dans des conditions susceptibles de mettre en danger la santé tant de la mère que de l’enfant et prévenir les infanticides ou des abandons d’enfants ; qu’il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé […]
Considérant qu’en permettant à la mère de s’opposer à la révélation de son identité même après son décès, les dispositions contestées visent à assurer le respect de manière effective, à des fins de protection de la santé, de la volonté exprimée par celle-ci de préserver le secret de son admission et de son identité lors de l’accouchement tout en ménageant, dans la mesure du possible, par des mesures appropriées, l’accès de l’enfant à la connaissance de ses origines personnelles ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, de substituer son appréciation à celle du législateur sur l’équilibre ainsi défini entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l’enfant ; que les dispositions contestées n’ont pas privé de garanties légales les exigences constitutionnelles de protection de la santé ; qu’elles n’ont pas davantage porté atteinte au respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale. »
Si l’accouchement anonyme, tel qu’organisé par le droit français, est jugé conforme aux droits fondamentaux selon la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel, le droit de l’enfant à connaître ses origines reste, malgré tout, largement subordonné à la volonté de la mère de naissance. Elle est libre de laisser des renseignements sur son identité au jour de l’accouchement et de décider a posteriori de lever le secret sur son identité. Elle choisit également de révéler ou non l’identité du géniteur. Alors, afin de garantir véritablement le droit pour l’enfant à connaître ses origines, le rapport « Filiation, origines, parentalité » propose de permettre à toute personne née sous X d’accéder à l’identité de sa mère de naissance, une fois majeure, et de réinstaurer la fin de non-recevoir à l’action en recherche de maternité. Le droit de connaître ses origines se limite, en effet, à permettre l’accès à l’identité de la mère de naissance et non à établir un lien de filiation à son égard.