Section 1 : Une différence de traitement entre les modes de conjugalité présentement non discriminatoire

Publié par Fanny Hartman

Chargée de mission à l'IEJ Jean Domat
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Les juges s’efforcent de mettre en exergue les différences de situations dans lesquelles se trouvent les couples pour refuser aux concubins et aux partenaires l’extension des dispositions relatives au mariage.

En droit interne, les premières décisions ont été rendues le 28 juin 2002 par le Conseil d’État. Il revenait à ce dernier d’apprécier la légalité de différents textes réservant aux seules personnes mariées le versement de compléments de rémunération en cas de prise de poste à l’étranger. Selon le Conseil d’État, les partenaires et les époux ne se trouvent pas dans une situation analogue du fait des liens juridiques unissant les membres du couple. Les liens juridiques établis par le législateur entre les époux sont plus intenses et plus stables que ceux organisés entre les partenaires. De la sorte, le principe d’égalité n’impose pas de traiter de manière identique les époux et les partenaires s’agissant du versement de compléments de rémunération en cas de prise de poste à l’étranger (CE, 28 juin 2002, nos 220361 et 228325).

CE, 28 juin 2002, nos 220361 et 228325 : « les liens juridiques qui unissent les personnes ayant conclu un PACS ont été organisés par le législateur de manière différente, notamment du point de vue de leur intensité et de leur stabilité, de ceux qui existent entre deux conjoints ; que ces deux catégories de personnes étant placées dans des situations juridiques différentes, le principe d’égalité n’impose pas qu’elles soient traitées, dans tous les cas, de manière identique. »

La Cour de cassation a adopté un raisonnement identique en matière de pension de réversion. Selon elle, le législateur peut, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi au sens de l’article 6 de la DDH, ne pas traiter de manière identique les époux, d’une part, et les concubins et les partenaires, d’autre part, s’agissant de la pension de réversion. Les partenaires et les concubins ne se trouvent pas dans une situation analogue à celle des époux compte tenu des obligations qu’emporte le mariage (Cass. civ. 1re, 12 avr. 2005, n° 02-13.762). 

Cass. civ. 1re, 12 avr. 2005, n° 02-13.762 : « Attendu qu’après avoir relevé que le bénéfice d’une pension de réversion était réservé au conjoint survivant non remarié en raison des obligations ayant existé entre les époux du fait du mariage et que la situation juridique du conjoint remarié différait, par les obligations qu’elle emporte, de celle des concubins ou des personnes liées par un pacte civil de solidarité, c’est à bon droit et par une décision motivée que la cour d’appel a retenu que la suppression de cette prestation en cas de remariage, dès lors qu’elle s’appliquait sans distinction et de manière objective à une même catégorie de personnes n’était pas discriminatoire au sens de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme ; que le moyen n’est pas fondé. »

La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a pu se prononcer dans le même sens. Devant apprécier la légalité d’une décision refusant à un agent communautaire, lié par un partenariat enregistré, le bénéfice de compléments de revenus accordés aux agents mariés, la CJCE observe l’hétérogénéité des législations et l’absence générale d’assimilation du mariage avec les autres formes d’unions. Par conséquent, une différence de traitement entre les partenaires et les époux, en matière de rémunération, n’est pas discriminatoire. Les partenaires et les époux ne se trouvant pas dans des situations analogues, le législateur n’est pas tenu d’offrir aux premiers les mêmes prérogatives que les seconds (CJCE, 31 mai 2001, n° C-122/99 et C-125/99, D. et Royaume de Suède c./ Conseil de l’Union européenne).

CJCE, 31 mai 2001, n° C-122/99 et C-125/99, D. et Royaume de Suède c./ Conseil de l’Union européenne : « Le principe de l’égalité de traitement ne saurait s’appliquer qu’à des personnes placées dans des situations comparables. En vue d’apprécier si la situation d’un fonctionnaire ayant fait enregistrer un partenariat entre personnes de même sexe est comparable à celle d’un fonctionnaire marié, le juge communautaire ne saurait faire abstraction des conceptions prévalant dans l’ensemble de la Communauté.

Or, la situation qui existe dans les États membres de la Communauté quant à la reconnaissance des partenariats entre personnes de même sexe ou de sexe différent étant marquée par une grande hétérogénéité des législations et par une absence générale d’assimilation entre le mariage, d’une part, et les autres formes d’union légale, d’autre part, la situation d’un fonctionnaire ayant fait enregistrer un partenariat dans un État membre ne saurait être tenue pour comparable, aux fins de l’application du statut des fonctionnaires, à celle d’un fonctionnaire marié. »

Comment citer cet article ?

F. Hartman, « Section 1 : Une différence de traitement entre les modes de conjugalité présentement non discriminatoire », Le droit des personnes et de la famille à l'épreuve des droits fondamentaux présenté par l'IEJ de Paris 1, https:/​/​iej.univ-paris1.fr/​openaccess/​libertes-famille/​lecon2/​sect1-difference-traitement-non-discriminatoire/​ [consulté le 29/03/2019].

Article publié le 21/07/2016.
Dernière mise à jour le 21/07/2016.