L’adoption de l’enfant né d’une GPA à l’étranger par le conjoint du père oppose le principe de prohibition de la GPA, auquel s’articule la condamnation du tourisme procréatif, et l’intérêt supérieur de l’enfant. Si aujourd’hui la condamnation du tourisme procréatif conduit encore à refuser au conjoint du père l’adoption de l’enfant né d’une GPA (1), l’intérêt supérieur de l’enfant pourrait conduire la Cour de cassation à modifier sa jurisprudence (2). À défaut, une discrimination peut apparaître entre l’enfant né d’une PMA à l’étranger, à l’égard duquel l’adoption par l’épouse de la mère est admise, et l’enfant né d’une GPA à l’étranger, envers lequel l’adoption par le conjoint du père est refusée (3).
1. Primauté actuelle de la condamnation du tourisme procréatif
Si la Cour de cassation admet désormais la transcription de l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA à l’étranger sur les registres de l’état civil français à l’égard du père biologique, elle ne s’est pas encore prononcée sur la transcription de l’acte de naissance à l’égard des parents d’intention. Dans cette attente, il ne semble pas que la filiation des enfants nés à l’étranger d’une GPA puisse être établie à l’égard des parents d’intention en application du droit commun de la filiation. Ni la reconnaissance, ni l’action en recherche de maternité, ni la possession d’état ne réunissent les conditions exigées par les textes. Dans ces circonstances, il est à se demander si le conjoint du père biologique, à l’égard duquel l’acte de naissance de l’enfant né d’une GPA a été transcrit, peut demander l’adoption de cet enfant.
De prime abord, l’adoption de l’enfant né d’une GPA à l’étranger par la mère d’intention ou par le père d’intention ne paraît pas rencontrer de difficultés du moment où les conditions de l’adoption sont satisfaites. Pour autant, l’Assemblée plénière s’était opposée à l’adoption de l’enfant né d’une GPA à l’étranger. Il s’agissait, selon elle, de l’ultime phase d’un processus d’ensemble contraire aux principes d’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes constitutive d’un détournement de l’institution de l’adoption (Cass. AP., 31 mai 1991, n° 90-20.105). L’idée de détournement de l’institution de l’adoption a été réaffirmée par la suite dans un arrêt du 9 décembre 2003 (Cass. civ. 1re, 9 déc. 2003, n° 01-03.927).
Cass. AP., 31 mai 1991, n° 90-20.105 : « cette adoption n’était que l’ultime phase d’un processus d’ensemble destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer d’un enfant, conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes, ce processus constituait un détournement de l’institution de l’adoption. »
Cass. civ. 1re, 9 déc. 2003, n° 01-03.927 : « la maternité pour autrui, dont le caractère illicite se déduit des principes généraux du code civil et, aujourd’hui, de son art. 16-7, réalise un détournement de l’institution de l’adoption ».
2. Conciliation prochaine avec l’intérêt supérieur de l’enfant ?
Récemment, la cour d’appel de Dijon s’est également opposée à l’adoption de l’enfant né d’une GPA à l’étranger par l’époux du père biologique mais sur un fondement juridique différent de l’Assemblée plénière. Elle a considéré que la violation du principe de prohibition de la GPA ne conduit pas nécessairement au rejet de la demande d’adoption formulée par le parent d’intention lorsqu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. Il convient d’opérer un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte à l’intérêt de l’enfant résultant du rejet de la demande d’adoption, d’une part, et la violation du principe d’ordre public de la prohibition de la gestation pour autrui, d’autre part. Le contrôle de proportionnalité a conduit les juges du fond, en l’espèce, à refuser la demande d’adoption au motif que l’absence de filiation entre l’enfant et le parent d’intention « ne porte pas sérieusement atteinte ni à son intérêt entendu de façon générale ni à ses droits protégés » puisque l’enfant bénéficie déjà d’une filiation paternelle biologique (Dijon, 24 mars 2016, n° 15/00057).
3. Discrimination éventuelle selon le mode de conception
La décision de la cour d’appel de Dijon autorise un rapprochement avec les deux avis rendus par la Cour de cassation le 22 septembre 2014 (Cass. avis, 22 sept. 2014, n° 15010 et 15011, préc.). Dans ces avis, la Haute juridiction préconise d’autoriser l’adoption de l’enfant né d’une PMA à l’étranger par l’épouse de la mère lorsque les conditions de l’adoption sont remplies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. Elle ne soumet nullement la demande à un quelconque contrôle de proportionnalité.
Le pourvoi formé par le couple à l’encontre de la décision de la cour d’appel de Dijon conduira la Cour de cassation à se prononcer bientôt sur la question de l’adoption de l’enfant né d’une GPA à l’étranger par le conjoint du père. Il est à se demander si elle ira jusqu’à opérer un revirement jurisprudentiel en autorisant l’adoption au nom du droit au respect de la vie privée et familiale et de l’intérêt de l’enfant, à l’instar de l’enfant né d’une PMA à l’étranger.
Dans l’affirmative, la Cour de cassation mettra indirectement fin à la prohibition de la gestation pour autrui. Dans la négative, elle créera une nouvelle discrimination, contraire aux articles 6 de la DDH et 14 de la Conv. EDH, fondée sur le mode de conception de l’enfant entre les couples homosexuels. L’enfant né d’une PMA à l’étranger peut être adopté par l’épouse de la mère quand l’enfant né d’une GPA à l’étranger ne peut pas être adopté par le conjoint du père. Elle tentera, dans ce dernier cas, de justifier la discrimination par le fait que la prohibition de la GPA est d’ordre public quand l’encadrement de la PMA ne l’est pas.