1. L’encadrement rigoureusement nécessaire de la procréation médicalement assistée en France
La procréation médicalement assistée est autorisée en France depuis la loi bioéthique n° 94-654 du 29 juillet 1994 et strictement encadrée aux articles L. 2141-1 et suivants du Code de la santé publique. L’article L. 2141-2 réserve notamment la procréation médicalement assistée aux couples hétérosexuels désireux de remédier à une infertilité médicalement constatée ou d’éviter la transmission d’une maladie grave à l’enfant ou à un membre du couple. La filiation par procréation médicalement assistée repose ainsi sur l’altérité sexuelle pour tenter d’imiter la procréation naturelle. Elle n’est donc pas ouverte aux couples homosexuels et aux femmes célibataires.
Art. L. 2141-2 du CSP : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué.
L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination. Font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons le décès d’un des membres du couple, le dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l’homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation. »
2. Le caractère potentiellement discriminatoire de l’encadrement de la procréation médicalement assistée en France
La légitimité de la monoparentalité et de l’homoparentalité ne fait aujourd’hui aucun doute. La monoparentalité a été instaurée par la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 ouvrant l’adoption aux personnes célibataires (art. 343-1 du C. civ.) et l’homoparentalité a été reconnue par la loi du n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe (art. 6-1 du C. civ.).
Dans ces conditions, il est à se demander si la législation française, refusant la PMA aux femmes célibataires et aux couples homosexuels, ne viole pas le principe d’égalité des droits, posé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDH) et par l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH), en instaurant une double discrimination fondée sur la conjugalité et l’orientation sexuelle.
Art. 6 DDH : « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
Art. 14 Conv. EDH : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
Par un arrêt du 3 novembre 2011, la Cour européenne des droits de l’homme (Cour. EDH) ne considère pas la législation autrichienne, restreignant l’accès à certaines techniques de procréation médicalement assistée, contraire à l’article 8 de la Conv. EDH. Selon les juges européens, les États signataires disposent d’une marge d’appréciation dans l’accès aux techniques de procréation médicalement assistée (CEDH, 3 nov. 2011, n° 57813/00, S. H. et autres c./ Autriche). Certains auteurs estiment alors l’encadrement de la PMA française à l’abri de toute condamnation par les juges européens. Or, une telle interprétation peut paraître excessive. La législation autrichienne n’autorise pas les techniques médicales de procréation faisant intervenir un don de gamètes tandis que la législation française interdit la procréation médicalement assistée aux femmes célibataires et aux couples de femmes. Le droit autrichien n’opère donc aucune discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et sur la conjugalité en matière de PMA, à la différence de la France.
Il n’est donc pas à exclure que le droit français, refusant la PMA aux femmes célibataires et surtout aux couples homosexuels, puisse à l’avenir être considéré comme discriminatoire et contraire aux articles 8 et 14 de la Conv. EDH.
Tel n’est pourtant pas l’opinion du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 17 mai 2013, les Sages ne jugent pas l’encadrement de la PMA française contraire au principe d’égalité devant la loi, au sens de l’article 6 de la DDH. Les couples formés d’un homme et d’une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples formés de personnes de même sexe selon le Conseil (Cons. constit., 17 mai 2013, n° 2013-669 DC).
Cons. constit., 17 mai 2013, n° 2013-669 DC : « Les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier la portée des dispositions de l’article 16-7 du Code civil aux termes desquelles : « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ; que, d’autre part, il résulte de l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique que l’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité pathologique, médicalement diagnostiquée d’un couple formé d’un homme et d’une femme en âge de procréer, qu’ils soient ou non mariés ; que les couples formés d’un homme et d’une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe ; que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en lien direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; que, par suite, ni le principe d’égalité ni l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi n’imposaient qu’en ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, le législateur modifie la législation régissant ces différentes matières. »
Il n’est toutefois pas certain que la nature non pathologique de l’infertilité affectant les couples de femmes constitue véritablement une situation distincte susceptible de justifier une différence de traitement ainsi que le prétend le Conseil constitutionnel. D’ailleurs, de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui en faveur de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et/ou aux femmes célibataires (le Défenseur des droits, le Haut conseil à l’égalité et le groupe de travail « Filiation, origines, parentalité »).
Mais si l’accès à la PMA venait à être ouvert aux femmes célibataires et aux couples de femmes, il est à se demander si une nouvelle atteinte à l’égalité des droits n’apparaît pas entre les hommes et les femmes d’une part, et entre les couples homosexuels de femmes et d’hommes, d’autre part. En effet, l’homme seul ou les couples d’hommes ne peuvent, par nature, pratiquer une procréation médicalement assistée. La seule voie qui leur est offerte pour combler leur désir de parenté réside dans la gestation pour autrui. Or, une telle pratique demeure prohibée en France.