Aux termes de l’article 57 du Code civil, l’acte de naissance doit mentionner le sexe de l’enfant. L’officier de l’état civil indique alors si l’enfant est né de sexe masculin ou de sexe féminin. Toutefois, il est parfois impossible de le définir médicalement. Certains enfants naissent avec un appareil génital atrophié ou avec deux appareils génitaux masculin et féminin quand d’autres présentent un caryotype féminin XX alors qu’ils sont dotés d’un sexe masculin. Ces personnes sont dites intersexuelles ou intersexuées et se distinguent des transsexuels pour lesquels les caractéristiques sexuelles ne sont pas équivoques mais entrent en contradiction avec le sexe psycho-social.
Le changement de sexe ayant été admis à l’égard des transsexuels, il est à se demander si les intersexués peuvent revendiquer la mention de « sexe neutre » sur leur état civil au nom du droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l’article 8 de la Conv. EDH.
Une circulaire du 28 octobre 2011 « relative aux règles particulières à divers actes de l’état civil relatifs à la naissance et à la filiation » préconise d’éviter la mention de « sexe indéterminé » lorsque le sexe de l’enfant est incertain et d’indiquer « le sexe qui apparaît le plus probable » au médecin. Cependant, lorsque le médecin estime ne pas être en mesure de donner immédiatement une indication sur le sexe probable du nouveau-né mais qu’il pourra le faire dans un délai de 2 ans, à l’issue de traitements appropriés, l’acte de naissance peut exceptionnellement ne pas mentionner le sexe de l’enfant. Il sera, par la suite, complété par décision judiciaire (Circ. 28 oct. 2011, NOR : JUSC1119808C).
Art. 55 Circ. 28 oct. 2011, NOR : JUSC1119808C : « Lorsque le sexe d’un nouveau-né est incertain, il convient d’éviter de porter l’indication « de sexe indéterminé » dans son acte de naissance. Il y a lieu de conseiller aux parents de se renseigner auprès de leur médecin pour savoir quel est le sexe qui apparaît le plus probable compte tenu, le cas échéant, des résultats prévisibles d’un traitement médical.
Si, dans certains cas exceptionnels, le médecin estime ne pouvoir immédiatement donner aucune indication sur le sexe probable d’un nouveau-né, mais si ce sexe peut être déterminé définitivement, dans un délai d’un ou deux ans, à la suite de traitements appropriés, il pourrait être admis, avec l’accord du procureur de la République, qu’aucune mention sur le sexe de l’enfant ne soit initialement inscrite sur l’acte de naissance. Dans une telle hypothèse, il convient de prendre toutes les mesures utiles pour que, par la suite, l’acte de naissance puisse être effectivement complété par décision judiciaire.»
Si la personne intersexuelle est en droit de demander, au cours de sa vie, la modification de la mention du sexe sur son état civil (Versailles, 22 juin 2000, n° 7799-99), il n’est pas certain qu’elle puisse solliciter l’inscription de la mention de « sexe neutre » ainsi qu’en témoigne l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Orléans le 22 mars 2016.
En l’espèce, une personne est née avec des organes génitaux qui « ne correspondent pas à la norme habituelle de l’anatomie masculine ou féminine ». Mais présentant un caryotype masculin XY, elle a été déclarée à sa naissance de sexe masculin. À l’âge de 63 ans, l’intersexué demande à ce que la mention de « sexe neutre » soit substituée à celle de « sexe masculin » sur son état civil.
Sa demande est accueillie en première instance. Le tribunal reconnaît que le sexe « assigné » au demandeur à sa naissance est une pure fiction. Il voit même dans le fait d’avoir imposé un tel sexe au demandeur, durant toute sa vie et sans qu’il ait pu exprimer son sentiment, une violation du droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Conv. EDH. En faisant droit à la demande, le tribunal estime ne pas contrevenir à l’ordre public, en reconnaissant un quelconque « troisième sexe », mais seulement de prendre acte de l’impossibilité de rattacher l’intéressé à l’une des deux catégories de sexes existantes (TGI Tours, 20 août 2015, JurisData 2015-022399).
TGI Tours, 20 août 2015, JurisData 2015-022399 : la demande du requérant « ne se heurte à aucun obstacle juridique afférent à l’ordre public, dans la mesure où la rareté avérée de la situation dans laquelle il se trouve ne remet pas en cause la notion ancestrale de binarité des sexes, ne s’agissant aucunement dans l’esprit du juge de voir reconnaître l’existence d’un quelconque “troisième sexe”, ce qui dépasserait sa compétence, mais de prendre simplement acte de l’impossibilité de rattacher en l’espèce l’intéressé à tel ou tel sexe et de constater que la mention qui figure sur son acte de naissance est simplement erronée. »
Le jugement est, toutefois, infirmé par la cour d’appel d’Orléans à la suite de l’appel interjeté par le ministère public. Les juges ne nient pas que le principe du respect dû à la vie privée doit conduire à admettre des exceptions au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes. En effet, le juste équilibre entre la protection de l’état des personnes d’ordre public, d’une part, et le respect de la vie privée des personnes, au sens de l’article 8 de la Conv. EDH, d’autre part, permet de ne pas mentionner temporairement de catégorie sexuelle sur l’état civil, lorsque le sexe est incertain, et autorise la modification du sexe assigné à la naissance « dès lors qu’il n’est pas en correspondance avec leur apparence physique et leur comportement social ».
Or, selon la cour d’appel, le sexe assigné au demandeur sexagénaire correspond à son apparence physique et à son comportement social. En effet, le demandeur présente une apparence physique masculine depuis l’âge de 35 ans où il a suivi un traitement hormonal et adopte un comportement social de type masculin par son mariage avec une femme et l’adoption d’un enfant en qualité de père.
Au surplus, en l’état des dispositions législatives et règlementaires en vigueur, il n’est pas possible d’indiquer sur les actes de l’état civil, à titre définitif, une mention autre que celle de sexe masculin ou féminin. Admettre la modification de l’acte de naissance, pour y inscrire la mention de « sexe neutre », revient à reconnaître une nouvelle catégorie sexuelle allant au-delà du pouvoir d’interprétation de la norme du juge judiciaire (Orléans, 22 mars 2016, n° 15/03281).
Orléans, 22 mars 2016, n° 15/03281 : « Attendu qu’en considération de la marge d’appréciation reconnue aux autorités nationales dans la mise en œuvre des obligations qui leur incombent au titre de l’art. 8 de la Conv. EDH, il doit être recherché un juste équilibre entre la protection de l’état des personnes qui est d’ordre public et le respect de la vie privée des personnes présentant une variation du développement sexuel ; que ce juste équilibre conduit à leur permettre d’obtenir, soit que leur état civil ne mentionne aucune catégorie sexuelle, soit que soit modifié le sexe qui leur a été assigné, dès lors qu’il n’est pas en correspondance avec leur apparence physique et leur comportement social, […] ;
Attendu qu’en l’espèce M. X. présente une apparence physique masculine, qu’il s’est marié en 1993 et que son épouse et lui ont adopté un enfant ;
Attendu qu’il demande la substitution de la mention « sexe neutre » ou « intersexe » à la mention « sexe masculin » ;
Attendu que cette demande, en contradiction avec son apparence physique et son comportement social, ne peut être accueillie, […] ;
Qu’admettre la requête de M. X reviendrait à reconnaître, sous couvert d’une simple rectification d’état civil, l’existence d’une autre catégorie sexuelle, allant au-delà du pouvoir d’interprétation de la norme du juge judiciaire et dont la création relève de la seule appréciation du législateur ; que cette reconnaissance pose en effet une question de société qui soulève des questions biologiques, morales ou éthiques délicates alors que les personnes présentant une variation du développement sexuel doivent être protégées pendant leur minorité de stigmatisations, y compris de celles que pourrait susciter leur assignation dans une nouvelle catégorie. »
Le pourvoi formé par le demandeur intersexuel conduira la Cour de cassation à trancher la question. Or, en l’état du droit positif, aucun texte ne prévoit l’existence d’une troisième catégorie de sexe dont la consécration relève effectivement du pouvoir législatif et rien ne laisse présager, pour l’heure, la consécration d’une troisième catégorie de sexe à l’exemple de l’Allemagne en 2013. Seule l’absence temporaire de mention relative au sexe peut être admise, selon l’alinéa 2 du paragraphe 55 de la circulaire du 28 octobre 2011, ainsi que le rappelle la cour d’appel d’Orléans.