Il est vrai que la Cour EDH rappelle régulièrement que le législateur national conserve une marge d’appréciation sur les questions relevant de l’article 8 de la Conv. EDH ainsi que l’affirme le Conseil d’État dans son arrêt du 12 novembre 2015. La marge d’appréciation laissée à l’État est restreinte lorsqu’un aspect particulièrement important de l’existence ou de l’identité d’un individu se trouve en jeu (CEDH, 26 mars 1985, n° 8978/80, X et Y c/ Pays-Bas ; CEDH, 22 oct. 1981, n° 7525/76, Dudgeon c./ Royaume-Uni ; CEDH, 11 juill. 2002, n° 28957/95, Goodwin c./ Royaume-Uni). À l’inverse, la marge d’appréciation offerte au législateur national est large en l’absence de consensus au sein des États signataires sur l’importance de l’intérêt en jeu ou sur les moyens de le protéger, notamment lorsque l’affaire soulève des questions morales ou éthiques délicates (CEDH, 22 avril 1997, n° 21830/93, X, Y et Z c./ Royaume-Uni ; CEDH, 26 févr. 2002, n° 36515/97, Fretté c./ France ; CEDH, 11 juill. 2002, n° 28957/95, Goodwin c./ Royaume-Uni ; CEDH, 10 avril 2007, n° 6339/05, Evans c./ Royaume-Uni).
CEDH, 10 avril 2007, n° 6339/05, Evans c./ Royaume-Uni : « lorsqu’il n’y a pas de consensus au sein des États membres du Conseil de l’Europe, que ce soit sur l’importance relative de l’intérêt en jeu ou sur les meilleurs moyens de le protéger, en particulier lorsque l’affaire soulève des questions morales ou éthiques délicates, la marge d’appréciation est plus large. »
Toutefois, une synthèse de législation comparée, publiée par le Sénat en 2008, révèle une nette tendance en faveur de la levée du secret entourant le don de gamètes pour permettre à l’enfant d’accéder à ses origines. Par conséquent, le jour où la Cour EDH observera le consensus croissant, entre les États signataires, sur le droit à connaître ses origines, son appréciation des atteintes portées au droit à la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Conv. EDH, sera modifiée et la marge d’appréciation, laissée aux États, plus restreinte. Il n’est donc pas certain que la primauté française donnée à l’anonymat du donneur de gamètes, au détriment de l’intérêt de l’enfant à connaître ses origines, soit encore conforme aux droits fondamentaux pour longtemps.