La position jurisprudentielle française a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (Cour. EDH) pour violation de l’article 8 de la Conv. EDH (CEDH, 25 mars 1992, n° 13343/87, Botella c./ France). Le droit national doit mettre en place un système dans lequel les actes de l’état civil sont conformes au sexe apparent.
Dans ces conditions, la Cour de cassation est venue modifier sa jurisprudence en permettant au transsexuel d’obtenir le changement de la mention du sexe sur son acte de naissance, sous réserve de remplir plusieurs conditions (Cass. AP., 11 déc. 1992, nos 91-11.900 et 91-12.373).
Le demandeur doit :
- présenter le syndrome du transsexualisme médicalement constaté ;
- avoir subi un traitement médico-chirurgical lui ayant fait perdre certains caractères de son sexe d’origine ;
- avoir pris l’apparence physique et le comportement social de l’autre sexe.
Les traitements médico-chirurgicaux, alors exigés, s’entendent d’opérations de réassignation sexuelle (ablation des organes génitaux d’origine et remplacement par des organes artificiels) conduisant donc à la stérilité du transsexuel.
Cass. AP., 11 déc. 1992, no 91-11.900 : « Vu l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les articles 9 et 57 du Code civil et le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes ;
Attendu que lorsque, à la suite d’un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d’origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son État civil indique désormais le sexe dont elle a l’apparence ; que le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes ne fait pas obstacle à une telle modification. »
La solution préconisée par l’Assemblée plénière est inégalement suivie par les juridictions du fond. Si certains juges, dans la lignée de la Cour de cassation, subordonnent la modification de la mention du sexe à la réalisation d’une opération de réassignation sexuelle, le risque et la gravité d’une telle opération conduisent d’autres juges à admettre la modification de l’état civil en présence d’un « simple » traitement hormonal (Rennes, 26 oct. 1998, D. 1999. 508 ; Nancy, 3 janv. 2011, n° 09/00931).
Une circulaire du ministère de la Justice recommande, d’ailleurs, un assouplissement de la condition de réassignation sexuelle en préconisant de donner une suite favorable à toute demande de changement de l’état civil « dès lors que les traitements hormonaux ayant pour effet une transformation physique ou physiologique définitive, associés, le cas échéant, à des opérations de chirurgie plastique (prothèses ou ablation des glandes mammaires, chirurgie esthétique du visage…) ont entraîné un changement de sexe irréversible, sans exiger pour autant l’ablation des organes génitaux » (Circ. DACS CIV 07/10 du 14 mai 2010, NOR : JUS1012994C).
Dans un contexte juridique flou, la Cour de cassation s’est, à nouveau, prononcée sur la question (Cass. civ. 1re, 7 juin 2012, nos 10-26.947 et 11-22.490 ; Cass. civ. 1re, 13 févr. 2013, nos 11-14.515 et 12-11.949). Selon elle, le changement de la mention du sexe à l’état civil est possible à condition que le demandeur démontre la réalité du syndrome transsexuel et le caractère irréversible de la transformation de son apparence. Si l’exigence de stérilité du transsexuel n’est plus expressément exprimée par la Cour de cassation, une analyse détaillée des arrêts révèle qu’elle n’est pas pour autant abandonnée. Le caractère irréversible de la transformation de l’apparence s’entend, en effet, de la réalisation d’interventions chirurgicales de réassignation sexuelle emportant, par conséquent, la stérilité du transsexuel.
Cass. civ. 1re, 7 juin 2012, nos 10-26.947 et 11-22.490 : « pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence. »
Or, dans un arrêt du 10 mars 2015, la Cour EDH est venue condamner la Turquie pour avoir violé le droit au respect de la vie privée d’un transsexuel, au sens de l’article 8 de la Conv. EDH, en l’empêchant de recourir à une intervention chirurgicale de changement de sexe parce qu’il n’était pas dans l’incapacité définitive de procréer. Le droit turc interdit, en effet, l’opération permettant un changement de sexe si la personne ne se trouve pas dans l’incapacité définitive de procréer (CEDH, 10 mars 2015, n° 14793/08, Y.Y. c./ Turquie). De la sorte, la Cour EDH tend à admettre un droit au changement du sexe sans condition liée à la stérilité du transsexuel.
Face au risque de condamnation de la France par la Cour EDH, le projet de loi de modernisation de la Justice au XXIe siècle suggère d’insérer dans le Code civil, une section 2 bis « De la modification de la mention du sexe à l’état civil » visant à simplifier la procédure de changement de sexe à l’état civil. Aux termes d’un nouvel article 61-5 du Code civil, la modification de l’état civil serait admise lorsque la personne majeure « démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe à l’état civil ne correspond pas à celui auquel elle appartient de manière sincère et continue ». La condition de stérilité du transsexuel ne serait donc plus exigée.